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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 238

25/4/2002

  1. TURQUERIES : LES PRÉNOMS KURDES JUGÉS PAR UN JUGE PORTANT UN PRÉNOM KURDE
  2. LE TRÈS CONTROVERSÉ AMBASSADEUR TURC À PARIS EST REMPLACÉ
  3. 13 KURDES TUÉS PAR DES LOUPS AFFAMÉS À VAN
  4. LA VISITE DU PREMIER MINISTRE CHINOIS À ANKARA DOMINÉE PAR LA QUESTION DES OUÏGOURS
  5. QUATRE MILITANTS DU PKK CONDAMNÉS À MORT EN TURQUIE
  6. LUXEMBOURG : LE CONSEIL DE L’ASSOCIATOIN ENTRE LA TURQUIE ET L’UE
  7. LE PKK CHANGE DE NOM ET DEVIENT LE KADEK
  8. BOMBARDEMENT AMÉRICAIN EN IRAK DEPUIS LA BASE AMÉRICAINE EN TURQUIE
  9. UN GÉNÉRAL TURC PRÔNE LA PENDAISON POUR LES DÉPUTÉS PRODIGUES
  10. ISMAIL CEM ET GEORGE PAPANDREOU EN MISSION SYMBOLIQUE AU PROCHE-ORIENT


TURQUERIES : LES PRÉNOMS KURDES JUGÉS PAR UN JUGE PORTANT UN PRÉNOM KURDE


La première audience au tribunal de grande instance de la petite ville de Dicle dans la province de Diyarbakir saisi le 21 décembre 2001 par le commandement de la gendarmerie de Dicle demandant aux 21 enfants kurdes âgés de 1,5 à 15 ans de turquifier leurs prénoms, a donné lieu à un spectacle déconcertant. Le magistrat présidant l’audience et devant se prononcer sur la question, portait lui-même un prénom indiscutablement kurde : Sirvan Ertekin. Sirvan qui signifie “ laitier ” en kurde. Le quotidien turc Radikal dans son édition du 19 avril, avait titré la nouvelle “ Sirvan juge Berivan ” [ndlr : Le laitier juge la trayeuse]

Le procureur général Alpaslan Karabay, sur la base de l’article 16 de la loi 1587 de l’état-civil, avait demandé malgré une jurisprudence constante de la Cour de cassation turque (arrêt Berfin 1989/1520 et arrêt Rojda 1992/1351) l’annulation des prénoms suivants ; Berivan, Zilan Rojda, Bawer, Velat, Serhat, Kendal, Zilan, Hebun, Baran, Rojhat, Agit, Zelal et Zozan. Me Firat Anli, le représentant de la défense, prenant en considération la jurisprudence de la Cour de cassation turque a tout simplement demandé au tribunal de déclarer irrecevable la demande. L’audience a été reportée jusqu’à ce que l’Académie de la langue turque, saisie par le tribunal, tranche sur la question de savoir si les prénoms sont “ conformes à la culture nationale, aux mœurs, us et traditions ” de la Turquie.

LE TRÈS CONTROVERSÉ AMBASSADEUR TURC À PARIS EST REMPLACÉ


Le Journal officiel turc daté du 14 avril publie les nouvelles nominations diplomatiques turques. Ainsi, l’ambassadeur turc à Paris, Sonmez Koksal, qui n’était autre que l’ancien patron des services secrets turcs (MIT) pendant la période marquée par les meurtres non élucidés et les exécutions extrajudiciaires en Turquie, a été rappelé à Ankara. Il sera remplacé par Uluç Ozulker, représentant permanent de la Turquie auprès de l’OCDE.

Une dizaine d’autres nominations a été annoncée par le Journal officiel dont Turkekul Kurttekin pour le poste de représentant permanent de la Turquie aux Nations-unies à Genève, Ahmet Uzumcu pour la représentation auprès de l’OTAN.

13 KURDES TUÉS PAR DES LOUPS AFFAMÉS À VAN


Selon le quotidien kurde Brayati du 17 avril, 13 corps abandonnés dans la nature, ont été retrouvés à Noblen, province de Van, tous Kurdes d’Irak candidats à l’immigration. Selon les autorités turques, 418 Kurdes d’Irak qui tentaient de passer le 15 avril la frontière irano-turque seraient attaqués par les loups affamés qui auraient tué 13 personnes.

LA VISITE DU PREMIER MINISTRE CHINOIS À ANKARA DOMINÉE PAR LA QUESTION DES OUÏGOURS


Zhu Rongji, premier Premier ministre chinois à se rendre pour une visite officielle à Ankara depuis 16 ans, a été largement interpellé par les officiels turcs sur la question de la province de Xinjiang, peuplée majoritairement de musulmans turcophones comme les Ouïgours et que la Turquie désigne sous le nom de “ Turkestan oriental ”. Husnu Yusuf Gokalp, ministre de l’Agriculture et Tunca Toskay, ministre d’Etat, tous deux membres du parti de l’Action nationaliste (MHP- ultra nationaliste), sont même arrivés largement en retard à la cérémonie de signature de quatre accords bilatéraux sino-turcs pour marquer leur protestation contre la politique chinoise à l’égard des Ouïgours. Au cours d’une conférence de presse le 16 avril, le Premier ministre chinois a demandé à la Turquie de ne pas soutenir des groupes ayant des activités séparatistes au Xinjiang, à quelque centaine de mètres d’une manifestation contre la Chine rassemblant une poignée d’Ouïgours de Turquie.

Ankara qui préfère ignorer ses 15 millions de Kurdes et qui rebute à prononcer le mot “ Kurdistan ”, donne sans embarras, des leçons de respect des droits des minorités et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, allant jusqu’à appeler unilatéralement “ Turkestan oriental ” la province peuplée d’Ouïgours !

QUATRE MILITANTS DU PKK CONDAMNÉS À MORT EN TURQUIE


Quatre membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont, le 18 avril, été condamnés à mort pour “ séparatisme ” par une Cour de sûreté de l'Etat turque (DGM). Le juge a condamné les quatre accusés, dont une femme, sur la base d'un article qui punit de la peine capitale “ ceux qui tentent de soustraire par la force à l'administration de l'Etat une portion ou le territoire entier sous souveraineté nationale ”.

Les quatre condamnés ont été accusés d'implication dans des actes violents, dont trois attaques à l'explosif à Istanbul, qui ont fait quatre morts, selon l'agence de presse turque. La peine de mort n'a pas été abolie en Turquie, mais il n'y a eu aucune exécution judiciaire dans le pays depuis 1984. En revanche, il y a eu plus de 4000 exécutions extrajudiciaires d’opposants kurdes depuis 1992.

LUXEMBOURG : LE CONSEIL DE L’ASSOCIATOIN ENTRE LA TURQUIE ET L’UE


Le conseil de l’association entre la Turquie et l’Union européenne (UE), tenu le 16 avril à Luxembourg, a encouragé Ankara à développer la liberté de l’expression en Turquie. Gunter Verheugen, commissaire européen chargé de l’élargissement, a déclaré que les négociations d’accession pourraient démarrer si la Turquie se conformait aux critères de Copenhague. M. Verheugen a également souligné les inquiétudes de l’UE concernant le bilan des droits de l’homme en Turquie, ajoutant qu’Ankara devrait aller plus loin dans le domaine des droits des minorités ethniques. L’UE demande par ailleurs l’abolition de la peine de mort et des limites à l’influence politique de l’armée turque.

La Turquie, représentée par son ministre des affaires étrangères, Ismail Cem, s’efforce d’obtenir une date pour commencer les négociations : elle espère un signal au sommet de Séville en juin prochain et une date approximative ou spécifique en décembre au sommet de Copenhague.

LE PKK CHANGE DE NOM ET DEVIENT LE KADEK


À l’issue de son 8ème congrès, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé, le 16 avril, un changement de nom et de stratégie : le mouvement, désormais baptisé KADEK (Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan), renonce à la violence pour lutter pacifiquement pour de plus grands droits pour la minorité kurde. “ La lutte armée est terminée ”, a déclaré Riza Erdogan, porte-parole européen du nouveau KADEK. “ Nous n'avons pas l'intention de changer les frontières des pays où vit le peuple kurde ”, a-t-il ajouté expliquant que KADEK n'entend pas lutter pour la séparation de la Turquie, mais pour l'amélioration des droits du peuple kurde, dans ce pays ainsi qu'en Irak, en Iran et en Syrie. Le KADEK ne sera pas un parti politique en tant que tel mais soutiendra des partis et organisations appuyant une “ solution démocratique à la question kurde ”. Le chef rebelle kurde Abdullah Ocalan, détenu dans l'île-prison turque d'Imrali, a été désigné président du KADEK, a précisé ce porte-parole. Selon lui, “ le KADEK est le seul héritier légitime du PKK ”. Il ne veut pas “ détrôner ” ces Etats, mais “ cherche à leur faire subir une transformation démocratique ” dans le cadre d'une vaste “ Union démocratique du Moyen-Orient ”. “ Le système du 20ème siècle ”, reposant sur “ le nationalisme, les divisions et les partages ” est “ caduc ”, et est “ la source première des conflits actuels ”, estime le KADEK.

L'abandon de la lutte armée est confirmé, le KADEK prône, à la place, des “ soulèvements politiques pacifiques ”. Les militants armés du PKK continueront de constituer une force “ d'autodéfense ”, appartenant au KADEK, rebaptisés unités de défense du peuple, ils n'agiront qu'en cas d'attaque contre des Kurdes, a souligné en outre le porte-parole du KADEK. Ces militants “ rejoindront le mouvement civil au moment opportun ”, notamment quand l'Etat turc aura aboli la peine de mort et aura reconnu les droits culturels des Kurdes, a-t-il précisé.

Leur transformation en force politique sous un nouveau nom ne devrait toutefois pas bouleverser la donne et assouplir la position de l'Etat turc à leur égard. La puissante armée turque avait déjà rejeté le cessez-le-feu unilatéral lancé par le PKK à la suite de l’arrestation d’Abdullah Ocalan, le qualifiant de “ manœuvre ”. Les autorités turques ont immédiatement réagi en affirmant que ces décisions ne changeaient rien. Le ministre turc des Affaires étrangères Ismail Cem a estimé lors d'une conférence de presse à l'issue d'une réunion du conseil d'association UE-Turquie avec ses homologues européens à Luxembourg, que le changement de nom du PKK “ ne modifie pas sa nature ”. “ Je ne pense pas qu'un changement de nom modifie la nature du PKK. Pour l'instant, à mon avis, il n'y a pas eu de changement de la situation du tout ”, a-t-il déclaré. “ Un changement de nom n'est pas important …Ce qui compte c'est qu'ils payent pour ce qu'ils ont fait dans le passé ”, a souligné le ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu. “ Que le PKK change ou pas de nom ou de forme, il reste pour nous une organisation terroriste ”, a renchéri le ministre de l'Industrie Ahmet Kenan Tanrikulu.

Selon le professeur Dogu Ergil, de la Faculté de sciences politiques d'Ankara, “ le PKK entre à présent sur un nouveau terrain, ce sera un test pour la démocratie turque ”. “ Le gouvernement turc a très peur qu'il ne devienne une force politique. Sa mentalité est construite sur la lutte contre le terrorisme. Ils ne savent pas comment traiter avec une organisation politique. Alors ils essaieront de bloquer cette tentative ”, estime-t-il.

Pour Nihat Ali Ozcan, expert en terrorisme au Centre d'études stratégiques Eurasie, “ le PKK a réalisé dès les années 1990 qu'il ne pouvait atteindre son but par la force et a commencé à chercher un nouveau terrain, mouvement accéléré par la capture d'Ocalan. Et depuis le 11 septembre, poursuivre des buts politiques par le terrorisme et la violence est devenu risqué ”. “ Ils avaient besoin de se déplacer sur un terrain où ils seraient reconnus par le système international et où ils seraient plus fort que l'Etat, et c'est le terrain politique ”, poursuit-il. Mais selon lui, “ la Turquie ne les acceptera jamais en tant qu'interlocuteurs (à un règlement de la question kurde) ”. M. Ozcan précise que “ personne ne fera de concessions juste parce que le PKK a pris ces décisions. La Turquie autorisera sans doute les publications et la radio-télédiffusion en kurde, mais pas à cause du PKK, à cause de l'évolution qu'elle connaît, liée à sa candidature à l'Union européenne ”.

Par ailleurs, un porte-parole du parti de la Démocratie du peuple (HADEP), qui se bat pour des droits culturels pour les Kurdes, Mutlu Civiroglu, a jugé “ positives ” ces décisions et souhaité que l'Etat turc “ prenne des mesures concrètes et agisse pour une démocratisation et des droits pour les Kurdes ”.

De plus, le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, chef du gouvernement libéral, qui assurera la présidence de l'UE au 1er juillet a affirmé, le 17 mars à Copenhague, que le changement de nom du PKK “ ne modifiait en rien sa nature ”, maintenant sa volonté de placer l'ex-PKK sur la liste de l'UE des organisations terroristes. “ Selon moi, ce n'est pas le nom qui importe, mais le contenu qui est important ” a-t-il souligné. M. Rasmussen a récemment indiqué qu'il voulait que la liste de l'UE soit conforme à celle des Etats-Unis, suscitant une controverse au sein de l'opposition de centre-gauche au Parlement, critique à cette volonté d'alignement de Copenhague sur Washington. Le chef du gouvernement a rappelé par ailleurs qu'il appartiendra à un comité spécial de l'UE de déterminer les organisations et individus qui doivent figurer sur cette liste.

BOMBARDEMENT AMÉRICAIN EN IRAK DEPUIS LA BASE AMÉRICAINE EN TURQUIE


Des avions américains et britanniques qui patrouillaient dans une zone d'exclusion aérienne au-dessus du Kurdistan d'Irak, ont pilonné, le 19 avril, des batteries de la défense antiaérienne irakienne, en réponse à des tirs de DCA, selon des responsables américains. Les bombes ont été larguées après des tirs irakiens à l'est de Mossoul en direction d'une patrouille aérienne, a précisé le Commandement américain en Europe, dans un communiqué. Les avions américains décollent de la base américaine d’Incirlik en Turquie.

Il s'agissait du premier bombardement dans le nord de l'Irak depuis le mois de février et du troisième depuis le début de l'année, ont précisé des responsables américains, alors que beaucoup se demandent si l'Irak sera la prochaine cible des Etats-Unis, dans le cadre de ce que l'administration Bush a qualifié de lutte contre le terrorisme.

Washington a laissé entendre qu'une campagne militaire pourrait être lancée pour renverser le président Saddam Hussein, si ce dernier persiste dans son refus d'autoriser les inspecteurs de l'ONU chargés de s'assurer du démantèlement des armes de destruction massive irakiennes. Les inspecteurs ont été interdits d'entrer en Irak en 1998. Les discussions entre Bagdad et les Nations unies sur le retour des inspecteurs devaient commencer à la mi-avril mais l'Irak a demandé un report des entretiens, arguant qu'ils seraient dominés par le conflit israélo-palestinien s'ils se tenaient à cette date.

Le quotidien arabe Asharq Al-Awsat, rapporte dans son édition du 20 avril que des représentants américains et les chefs des deux formations kurdes contrôlant le nord de l'Irak se seraient réunis “ secrètement ” cette semaine près de Berlin afin de préparer une frappe contre l'Irak “ avant la fin de l'année ”. Selon le journal, Jalal Talabani, chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et Massoud Barzani, chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), ont assisté à cette réunion de trois jours, qui s'est achevée près de Berlin avec la participation de responsables militaires américains, du Département d'Etat et des services de renseignements (CIA). La réunion n’a pas été confirmée par les deux partis en question.

UN GÉNÉRAL TURC PRÔNE LA PENDAISON POUR LES DÉPUTÉS PRODIGUES


Le général en retraite, Osman Ozbek, qui avait déclaré, il y a une semaine, au cours de la réunion de l’Association de la pensée kémaliste à Zonguldak que “ les députés qui utilisent 70 milliards de livres turcs pour leurs dépenses de santé devraient être pendus dans les jardins de l’assemblée nationale ”, a été ouvertement critiqué par quelques députés dont Mehmet Elkatmis, responsable de la questure du Parlement turc.

“ La loi n°4375 promulguée en 1998 permet à tous les fonctionnaires publics de se faire soigner à l’étranger. Cette loi a été élaborée pour une personne. Le général Ozbek était alors en fonction, si, au lieu d’insulter le Premier, avait parlé à propos de la personne pour laquelle cette loi a été élaborée, je l’aurais félicité. Cette loi a été écrite pour un de ses collègues, un général ” [ndlr : La loi en question a été élaborée pour l’amiral Guven Erkaya, ancien commandant de la marine turque] a déclaré, le 17 avril, M. Elkatmis en ajoutant que “ le Parlement travaille sous le contrôle du peuple. En Turquie il y a malheureusement des organes qui ne sont contrôlés par personne. En fait, il faudrait plutôt contrôler ceux-là ”.

L’état-major turc a riposté le lendemain en déclarant que la déclaration du député visant l’armée turque était examinée de près et que “ les personnes qui ont de tels points de vue ne pourront pas ébranler la confiance de notre nation à l’égard de l’armée turque, puisqu’elles n’auront jamais le pouvoir pour cela ”.

ISMAIL CEM ET GEORGE PAPANDREOU EN MISSION SYMBOLIQUE AU PROCHE-ORIENT


Le ministre grec des Affaires étrangères George Papandreou et son homologue turc Ismail Cem entament le 24 avril une mission symbolique mais sans précédent au Proche-Orient, dans l'espoir de prouver que même des siècles d'inimitié peuvent être surmontés pour œuvrer en faveur de la paix. Les deux ministres ne “ se font pas d'illusions ” sur leur capacité à résoudre la situation, mais “ nous pouvons donner l'espoir en montrant qu'il y a une possibilité pour deux pays de résoudre leurs divergences pacifiquement ” déclare G. Papandreou.