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Bulletin N° 9 | Décembre 1984

 
tags: N° 8 | novembre-décembre 1984

LA MORT DE CEGERXWIN

 

ÊTRE LIBRE

Vivre, c'est beau quand on est libre,

Tous, hommes et femmes... pas seulement toi et moi, Libre de dire son mot,

De vagabonder à travers terres et mers,

Libre de boire et de manger, de travailler et de jouer, Libre de choisir son chemin.

Je ne trouve pas de mots ; je ne sais qui blâmer... Combien de temps encore vivrons-nous enchaînés, Dans l'obscurité, dans la honte ?

C'est assez.

Finissons-en avec l'ignorance, allons vers la lumière ! L'épée à la main, libérons-nous des monstres,

Et retrouvons la fierté d'un nom

Si cher, si sacré pour nous tous.

Cegerxwîn

(1903-1984)



LA MORT DE CEGERXWIN



Le poète kurde le plus célèbre du Kurdistan du Nord, Cegerxwîn, vient de mourir à Stockholm, à l'âge de 82 ans.

Né en 1903, dans un village de la région de Mardin, au sud-est de la Turquie, il perdit ses parents très jeune et fut élevé dans la famille de sa soeur, où il travaillait comme berger. Très vite, il sut qu'il voulait faire autre chose, et obtint d'aller à l'école coranique, où il fit ses études pour devenir mollah.

Un voyage à travers le Kurdistan, à la fin de ses études, lui permit de découvrir, de ses propres yeux, la misère, la détresse des paysans kurdes. Alors, il "rejette le manteau, le turban, coupe sa barbe et s'engage dans la bataille nationale et patriotique". Il change son nom, Şêxmûs Hesen en Cegerxwîn (le coeur meurtri) et décide d'utiliser sa plume comme arme pour combattre en faveur des droits de son peuple.

A partir de 1932, ses poèmes sont publiés dans les revues HAWAR et RONAHÎ, éditées par Celadet Bedir Khan. Cela lui vaut d'être poursuivi. Pour échapper à la prison en Turquie, il s'installe en Syrie. Son premier recueil de poèmes paraît à Damas, en 1945. Un second est publié en 1954. Entre temps, son action politique en faveur du peuple kurde lui a valu d'être arrêté d plusieurs reprises et torturé.

En 1980, il s'exile en Suède où il ne cessera d'écrire, jusqu'à son dernier jour.

Membre fondateur de l'Institut Kurde, il avait tenu, malgré son âge, à venir, en février 1983, participer à Paris à la fête d'inauguration de l'Institut, où il prononça un discours-testament.

Venus de plusieurs pays d'Europe, des militants kurdes, et parmi eux le Président de l'Institut Kurde, sont venus assister à la cérémonie funèbre en Suède, et lui rendre un dernier hommage. Ensuite, selon son désir, son corps a été envoyé en Syrie où, avec la permission des autorités, il a été inhumé dans le jardin de sa maison, devant une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes.

L'OEUVRE DE CEGERXWÎN

Treize ans après la publication de ses premiers poèmes dans "Hawar" et "Ronahî ", "Dîwana Cegerxwîn" (Poésies de Cegerxwîn) paraît à Damas, en 1945. C'est ensuite "Sewra Azadî" (La Révolution de la Liberté), à Damas également, en 1954. Dans ces deux premiers volumes, composés de 290 poèmes, le poète expose l'essentiel de son message, à la fois patriotique, social, idéologique.

Il publiera encore cinq recueils de poèmes : "Kîme ez ?" (Qui suis-je ?), en 1973 ; "Ronak" (La clarté), en 1980 ; "Zend Avista", en 1981 ; "Şefâq" (L'aube), en 1982 et "Hêvî" (L’espoir) en 1983.

Cegerxwîn a également publié des nouvelles en prose : ''Cim û Gulperî", Damas 1946 et "Serpêhatiya Reşiwê Darî" (Les aventures de Reşo Darî), Damas 1958.

A Damas encore, Cegerxwîn aurait publié en 1957 un recueil de proverbes "Gotinê pêşiya".

Après la proclamation de la république à Bagdad, Cegerxwîn s'est rendu en Irak, où il a enseigné le kurde à l'Université de Bagdad. C'est là qu'il a publié une Grammaire "Awa û destûra zimanê kurdî", en 1961, puis les deux premiers volumes de son dictionnaire, demeuré inachevé,"Ferhenga kurdî Cegerxwîn" en 1962.

Une quinzaine d'ouvrages restent à publier.

UN CONGRES DEDIE A MEHD I ZANA

Le Congrès bisannuel de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, qui s'est tenu à Paris du 17 au 18 novembre 1984 au siège de l'UNESCO, a été dédié à Mehdi Zana, le maire kurde de Diyarbakir actuellement détenu dans la prison militaire de cette ville.

A côté des délégations venues d'une vingtaine de pays du monde, au nom du gouvernement français, M. Claude Cheysson, Ministre des Relations Extérieures, et M. Robert Badinter, Garde des Sceaux, ont prononcé une allocution.

Dans son discours d'inauguration, le Président de la Fédération, Michel Blum, a dit, notamment :

"...Que ce Congrès soit aussi le symbole d'une protestation solennelle contre le sort qui est fait à un militant des droits de l'homme : Mehdi Zana, Maire de Diyarbakir. J'ai reçu, il y a quelques années dans mon bureau, un homme solide, ardent, qui venait en France pour équiper sa ville en moyens de transports en commun. Quelques mois plus tard, il était arrêté, accusé d'avoir eu des contacts avec un groupe qui avait assassiné un policier, et un procès inique, sans preuves, s'est déroulé devant une délégation de la FIDH... Aujourd'hui, il est condamné à 24 ans de prison. Son seul crime est d'avoir voulu croire à la pérennité du peuple kurde et d'en avoir refusé l'ethnocide. Alors, je vous le demande, cette victime est-elle de l'Est, de l'Ouest, du Nord ou du Sud ? Qu'importe. Il est tout simplement un homme martyrisé pour ses convictions..."

LA MORT DE KEMAL OZGÜL

Dignité et justice : c'est ce que réclamait Kemal Ozgül quand il a été tué.

Il travaillait à l'entreprise de construction Pirault et Fils, à Epône. Dans des conditions comme on n'imagine pas que cela puisse encore exister en France. Absence de sécurité et d'hygiène, paye irrégulière. Et même, depuis 5 mois, plus de paye du tout pour la majorité des ouvriers. Et cela malgré les interventions de l'Inspection du Travail, la médiation de la Sous-Préfecture.

Kemal Ozgül, kurde, était réfugié politique, après avoir fui la répression en Turquie. Il n'avait pas le choix, il lui fallait travailler pour envoyer de l'argent à sa famille, restée au Kurdistan et démunie de tout, et pour se marier.

Mais trop c'est trop. Il est allé avec ses camarades réclamer son salaire, déterminé à faire avec eux une grève de la faim pour l'obtenir. Le patron les attendait, avec un vigile armé. Celui-ci a tiré : un mort, Ozgül, et un blessé grave.

La mort de ce militant kurde a soulevé beaucoup d'émotion en France, dans tous les milieux. Le Président Mitterrand a tenu à venir s'incliner devant son cercueil, avant le rapatriement du corps en Turquie.

Malgré d'innombrables tracasseries de la police turque : immobilisation du cercueil à l'aéroport pendant 24 heures, injures adressées à l'assistance, interrogatoire prolongé de membres de sa famille et des observateurs étrangers, le corps d'Ozgül a été enterré chez lui, près de Malatya, dans le Kurdistan de Turquie. Sous la menace des mitraillettes d'une vingtaine de miliciens en treillis, qui encerclaient le cimetière. Comme si Kemal Ozgül, mort, était encore dangereux.

A SIGNALER

- Sur le thème LE FOLKLORE KURDE ET SON ETUDE EN UNION SOVIETIQUE, le Dr. Maruf Xaznedar, professeur de littérature classique kurde à l'Université de Bagdad, de 1966 à 1982 et depuis à l'Université d'Annaba, en Algérie, a donné une conférence à l'Institut Kurde de Paris, le 2 septembre 1984.

Il a tout d'abord parlé des régions où vivent les Kurdes. Puis il a abordé leur folklore et présenté, en les commentant, tous les travaux se rapportant à ce thème réalisés par des chercheurs kurdes depuis le XIXe siècle jusqu'à nos jours.

- Le 23 octobre, à Dijon, lors d'une soirée consacrée au cinéma kurde, deux films relatant la résistance kurde contre les forces de Khomeiny en Iran ont été projetés.

- 25/10 - France-Culture. L'émission "Divergences" a été consacrée à une évocation de Yilmaz Güney, avec la participation de Temo.

- 27/10 - Dans le cadre du Festival de l'Immigration, un hommage a été rendu à Y. Güney, avec la projection de trois de ses films : "L'Inguiétude", "L'ennemi", "Le troupeau", au Splendid, à Fives-Lille.

- 17/11 - Concert de Temo, retransmis par France-Musique.

- 30/11 - Au Cercle Culturel de Cormeilles en Parisis, projection de "Le Mur", dernier film de Güney, et débat sur la situation des Kurdes en Turquie.

EN BREF : LA REVUE DE PRESSE

D'OCTOBRE ET NOVEMBRE

Y. GUNNY. Après sa mort, un hommage unanime au grand cinéaste. (Antoinette, Liberté, Africasia, Mutu., Passion - octobre 84.)

CINEMA KURDE A DIJON. Projection de deux films de Taifoun Bathai, sur la lutte des Kurdes d'Iran. (Les dépêches de Dijon, 20 et 23/10/84).

UN "OTAGE" de retour du Kurdistan raconte son expérience (La Dépêche du Midi, 24/10/84).

TEMO à France Musique (Télérama, novembre 84).

RESOLUTION sur l'identité culturelle de la diaspora kurde en Europe occidentale (IXe Congrès de l'Association Internationale pour la Défense des Langues et Cultures menacées, Milan, 27 au 29 juillet 84).

EMBUSCADE, au Kurdistan de Turquie. Lors de la visite du général Evrem dans la ville de Şemdinli les maquisards kurdes ont tué 3 soldats, au cours d'une embuscade. Le 9 octobre, à nouveau, 8 militaires tués et 2 blessés dans un accrochage. Une opération de ratissage est lancée par le gouvernement. (L'Humanité 4/10, Le Monde 5/10, 8/10 et 12/10, La Feuille d'Avis de Lausanne 13/20).

REPORTAGE AU SIEGE DU PDK d'Iran et du Komala. Un entretien avec Massoud Barzani (Le Monde 14/10).

LANCEMENT DE L'OPERATION-SOLEIL au Kurdistan de Turquie : ratissage opéré par l'armée turque dans les villages situés sur la frontière irako-turque. Accord entre Ankara et Bagdad pour que les forces turques pénètrent en Irak (Libération 17/10 et 20/10, l'Est-Républicain, le Matin, Le Journal Rhône-Alpes, le Quotidien, Alsace, le Progrès, le Journal de Genève, l'Humanité 18/10, La Croix, le Monde, le Soir, le Quotidien 19/10, Révolution 26/10) .

MANIFESTATION kurde devant le Consulat de Turquie à Strasbourg (Dernières nouvelles d'Alsace 25/10).

CONTRE LES KURDES la Turquie recherche l'aide de l'Iran, en vain (Financial Times 23/10, Le Monde 26/10).

3 SOLDATS TURCS tués lors d'un accrochage avec les guerilleros kurdes (International Herald Tribune 26/10)

LA RESISTANCE du Kurdistan turc (Info-Turk, octobre 84).

AVERTISSEMENT TURC à Masoud Barzani de ne pas soutenir les guerilleros kurdes de Turquie (Hurriyet 18/10).

L'IRAN S'OPPOSE A LA COOPERATION réclamée par la Turquie contre les Kurdes (Milliyet 21/10, Hürriyet 21/10).

L'IRAK REVELE UNILATERALEMENT l'accord turco/irakien sur la protection des frontières (Milliyet 26/10).

LE BUNDESTAG va débattre de la situation dans les provinces orientales de la Turquie.

INSOLENCE FRANCAISE : une minute de silence au Sénat pour le "terroriste" Asian. (Milliyet 27/10).

DOSSIER : "Les Kurdes, une nation sans état victime d'un ethnocide" (Droit de vivre, octobre 84).

LE MALHEUR D'ETRE KURDE. Accord turco-irakien: Contre les Kurdes (Semaine de l'Ile de France, 2/11/84).

RATISSAGE au Kurdistan de Turquie(L'Humanité,19/11).

LA CONDAMNATION D'HIDIR ASLAN. Le Président turc a ratifié la condamnation à mort d'Hidir Aslan, militant kurde de DEV YOL, ainsi que celte d'Ilyas Has, qui a été exécuté, lui, le 7/10. Une délégation du PCF s'est rendue en Turquie pour demander au Premier Ministre la vie sauve pour Asian (L'Humanité 13 et 15/10).

EXECUTION d'Hidir Asian, le 25/10, malgré de nombreuses interventions en sa faveur. Le Sénat français observe une minute de silence "en témoignage d'indignation".

Le jour de son exécution, la peine de mort est requise contre 12 militants "séparatistes" kurdes. (L'Humanité, le Matin, Libération 26/10).

APPEL A UNE MANIFESTATION le 27/10, à Paris, de la Gare St Lazare au Consulat de Turquie, par 14 organisations de travailleurs turcs et kurdes (L'Humanité 27/10).

ARRESTATION de 35 militants d'extrême gauche à Istanbul (L'Humanité 29/10).

UNE GARDE DEMOCRATIQUE a été montée, à l'appel de 35 intellectuels français, devant l'Ambassade de Turquie à Paris, le 6.11.84. Des milliers de personnes se sont joints à ce mouvement, avec Aydin ASLAN, frère' du militant pendu par la junte turque. Une délégation du PCF ainsi que plusieurs délégations, syndicales étaient présentes (L'Humanité 7 et 8/11,).

MEURTRE Un ouvrier kurde, 21 ans, réfugié politique en France, Kemal Ozgül, est assassiné par un vigile de l'entreprise Pirault, où il travaillait, parce qu'avec ses camarades syndiqués il venait réclamer le salaire qu'on 'ne leur avait pas versé depuis 5 mois. (La Vie Ouvrière, 19/11).

LA, CGT APPELLE A UN ARRET DE TRAVAIL d'un quart d'heure, avec rassemblement et minute de silence, à la mémoire d'Ozgül (L'Humanité 14/11).

LES. FUNÉRAILLES DE KEMAL OZGUL, dans son village natal, au Kurdistan de Turquie. La cérémonie, à laquelle assistait près d'un millier de personnes, s'est déroulée sous la menace des mitraillettes de l'armée turque. Une délégation de la Ligue des Droits de l'Homme et de l'Association des Juristes Démocrates assistait aux obsèques, à la demande de 'la CGT (L'Humanité 22,23 et 28/11, Le Monde 2/12, la Vie Ouvrière 26/11).

GAFFE ? Dans un discours à l'Assemblée Nationale, Claude Cheysson, Ministre français des Relations Extérieures, a indiqué que Kemal Ozgül avait été enterré au Kurdistan. Ankara a violemment réagi. (Le Havre Presse 26/11, Le Nouveau Journal 27/11, Les -Echos 27/11, Tercüman 26/11, Milliyet , Hurriyet 26/11).

APPEL KURDE pour aider les réfugiés de 'la guerre Irak / Iran (Aftenposten 27/10).

LA SITUATION ACTUELLE DES KURDES, article d'information (Universitas Nyheter, nov. 84).

OFFENSIVE KURDE en Irak ? (Aftenposten 12/11).

INTERVIEW DE GHASSEMLOU (De Nieuwe 15/11/84).

I FIGLI DEL FEROCE SALADINO, reportage, en Iran (Corriere della Sera, 27/11/84).

UN AVOCAT KURDE TORTURE dans les prisons turques. Sa vie est en danger (The Times, 27/12).

LA TORTURE EN TURQUIE. 4 Kurdes arrêtés à Diyarbakir sont en danger. (Amnesty International 30/11).

CONGRES de la FIDH. Intitulé "Congrès Mehdi Zana", en hommage à l'ancien maire de Diyarbakir condamné à 24 ans de prison (AFP 17/11, Le Monde 20/11, La Lettre de la FIDH 23/11/84).