ESPACES EN MEMOIRE
Désert de paille et de feu, ciels mobiles et tourmentés, Etres en marche dans la steppe, sont au cur des uvres récentes de Bachar.
Les Espaces brûlés ont imprimé la mémoire
de Bachar. Ces plateaux arides du nord-est syrien sont l'élément
primordial nourrissant sa peinture. Les saisons ponctuent la vie
paysanne et marquent sa vision intérieure et sensible des
choses: le vert changeant du blé en herbe, le feu des coquelicots
sur l'éclat des épis mûrs... " Une ligne
rouge à l'horizon traversant une plaine de bleu ".
Bachar magnifie la torsion de l'arbre, transcende les reliefs,
donne de la matière à la chaleur, capte l'essence
de la nature et nous transmet sa pureté.
Le tableau est avant tout une élaboration mentale; le peintre suit le cheminement vers l'abstraction " pays d'où on ne revient pas ". Le blanc tatoué envahit peu à peu l'espace, mais on devine encore les images familières: la glaneuse, la chèvre, l'arbre, la silhouette du village qui s'étire et se fonde à la limite des éléments.
Le personnage est un signe, donnant la parole aux façades
géographiques, une vision intérieure, un idéogramme.
Les femmes des uvres précédentes deviennent effigies
humaines, les arbres et les maisons perdent peu à peu leur
nom.
L'art de Bachar, plus qu'un geste est un tumulte, la pensée
en fusion crée ce qu'elle voit, l'âme perce dans
ce paysage mental épuré jusqu'à l'abstraction.
Les plages blanches ombrées ou ocres, la pâte riche
et trouble sont une invitation à pénétrer
hors du temps dans l'espace absolu.
Pulsations de la matière éthérée,
ciel effilé d'où surgit le feu, poussière
du monde physique qui s'éloigne, l'espace est bouleversé,
la taille des objets et des êtres recréée.
Bachar nettoie son regard des formes, des sens, des noms pour
formuler d'autres figures incertaines.
La renaissance des lieux du passé qui affleurent à
la mémoire renvoie à la communion de l'homme avec
la matière, avec la toile, avec lui-même.
" Une blessure au
flanc d'un couteau rouillé planté par le vent.
Des yeux fixés sur la lueur d'un astre somnolent, des steppes
incendiées, des tremblements d'adieu.
Un Somme aux notes d'une berceuse bleue ".
Les espaces brûlés diffusent le reflet des plaisirs
visuels, auditifs et tactiles sublimes par la contemplation d'un
au-delà, d'où parvient le chant vibrant de la matière...
Anne Rebours