Page Précédente

Washington va armer les Kurdes de Syrie au risque d'exaspérer la Turquie


Mardi 9 mai 2017 à 21h32

Washington, 9 mai 2017 (AFP) — L'administration Trump a décidé d'armer les milices kurdes YPG de Syrie pour les aider à reprendre la ville de Raqa, la capitale autoproclamée des jihadistes, au risque de provoquer la colère de la Turquie.

Le président américain a autorisé le Pentagone à "équiper" les milices kurdes "autant que nécessaire pour remporter une nette victoire sur le groupe Etat islamique" à Raqa, a déclaré le porte-parole du Pentagone Jeff Davis.

La décision constitue un tournant majeur pour l'administration américaine, à moins d'une semaine d'une visite du président turc Recep Tayyip Erdogan à Washington le 16 mai.

L'administration américaine s'était jusqu'à présent toujours refusée à aller contre l'avis de la Turquie, pays membre de l'Otan et allié stratégique des Etats-Unis, qui considère les milices kurdes (Unités de protection du peuple kurde, YPG) comme la branche syrienne des séparatistes kurdes de Turquie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Mais l'administration Trump a finalement décidé de valider le diagnostic posé depuis des mois par le Pentagone, selon lequel les milices kurdes sont le seul allié en Syrie capable de mener rapidement l'assaut contre Raqa et de porter un coup décisif au groupe Etat islamique.

Les YPG sont le fer de lance de la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui sont elles-même "la seule force capable de prendre Raqa dans un futur proche", a indiqué Jeff Davis.

"Nous sommes pleinement conscient des inquiétudes des Turcs pour leur sécurité", a-t-il ajouté.

Mardi, avant l'annonce de la décision de la Maison Blanche, le secrétaire à la Défense Jim Mattis avait souligné que les Etats-Unis voulaient associer la Turquie aux opérations contre Raqa, même si Ankara ne participe pas à l'offensive terrestre proprement dite.

"Notre intention est de collaborer avec les Turcs, les uns aux côtés des autres, pour prendre Raqa", a déclaré M. Mattis lors d'une conférence de presse à Copenhague, à l'issue d'une réunion des principaux pays de la coalition contre l'EI.

La Turquie a mené des frappes en avril contre un QG des YPG dans le nord-est de la Syrie, faisant 28 morts.

Des accrochages entre miliciens kurdes et l'armée turque ont également eu lieu le long de la frontière.

- un risque pour les Etats-Unis -

Les Etats-Unis ont, de leur côté, envoyé des véhicules militaires munis de drapeaux américains du côté syrien de la frontière pour effectuer des patrouilles avec des membres des YPG et prévenir tout nouvel accrochage.

La décision d'armer les Kurdes malgré l'opposition d'Ankara "comporte certainement un risque" pour les Etats-Unis, pour qui la Turquie est un allié crucial, a estimé Michael O'Hanlon, un spécialiste des questions de défense au centre d'études Brookings à Washington.

"Mais il y a un risque aussi à suivre l'approche turque, qui pourrait mener à une future prolongation de la guerre", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Peut-être que le président Trump a considéré des moyens pour minimiser le risque d'un flot d'armes" vers la Turquie, et "peut-être que cela a modéré les craintes d'Erdogan. Je l'espère", a-t-il ajouté.

Mais Charles Lister, un expert du Middle East Institute, un centre de recherche basé à Washington, s'est montré beaucoup plus critique.

"Je pense qu'il est très difficile d'imaginer que M. Trump a trouvé quoi que ce soit de suffisant pour apaiser les craintes de la Turquie de voir les milices YPG se renforcer le long de sa frontière", a-t-il déclaré à l'AFP.

La décision de la Maison Blanche "va inévitablement provoquer plus d'instabilité" en Syrie, a-t-il ajouté.

Les milices kurdes et leurs alliés arabes ont réalisé la plus grande partie des avancées contre le groupe Etat islamique en Syrie, avec le soutien des frappes aériennes de la coalition et de conseillers militaires américains.

Elles tentent actuellement d'éliminer une dernière poche de résistance jihadiste à Tabqa, un verrou crucial qui est situé à 55 kilomètres à l'ouest de Raqa.

La guerre en Syrie, déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques en faveur de l'instauration de la démocratie a fait plus de 320.000 morts.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.