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Vénéré ou haï, Öcalan incontournable chef de la rébellion kurde


Lundi 18 mars 2013 à 18h41

ISTANBUL, 18 mars 2013 (AFP) — Ses partisans le considèrent comme un héros. Mais pour de nombreux Turcs, il n'est qu'un dangereux terroriste. Adulé ou haï, Adbullah Öcalan, qui doit appeler jeudi ses troupes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à un cessez-le-feu, est le visage incontournable de la rébellion kurde.

Enfermé depuis près de quatorze ans derrière les barreaux d'une prison, celui que les autorités d'Ankara n'ont longtemps désigné que comme un "tueur d'enfants" incarne aujourd'hui l'espoir de la paix. Si les discussions qu'il mène depuis la fin de l'année avec le gouvernement aboutissent, elles mettraient fin à une guerre qui a provoqué la mort de 45.000 personnes depuis 1984.

Seuls quelques proches, avocats ou responsables politiques ont récemment vu le visage ou entendu la voix d'Abdullah Öcalan. Cet homme bedonnant à l'épaisse moustache noire n'est plus connu que par quelques images d'archives.

Ici en "battle dress", en train de haranguer des recrues, dans un camp de l'extrême nord de l'Irak. Là, ébouriffé, mal rasé et menottes aux poignets, dans l'avion qui le ramène en Turquie en captivité en 1999. Ou protégé d'une vitre blindée, dans le box des accusés du tribunal qui l'a condamné à mort.

Depuis son incarcération, plus rien. Mais la légende est toujours vivante. Celui que ses fidèles ont baptisé "Apo" ou "Serok" (le chef) fait encore l'objet d'un culte de la personnalité très stalinien.

L'épopée d'Abdullah Öcalan débute en 1949 dans une famille paysanne de six enfants dans le village d'Omerli, à la frontière syrienne. Jeune étudiant en sciences politiques à Ankara, il épouse rapidement la cause kurde. Son militantisme lui vaut un premier séjour de sept mois en prison en 1972.

En 1978, il fonde le PKK, d'obédience marxiste-léniniste. Et deux ans plus tard, c'est l'exil. Le plus souvent à Damas ou dans la plaine libanaise de la Bekaa sous contrôle syrien, où il installe son quartier général.

Jugeant ses forces suffisantes, "Apo" décide en août 1984 d'engager la lutte armée pour obtenir la création d'un Etat kurde indépendant. Aux attaques du PKK répond la répression des forces de sécurité turques. Le sud-est de l'Anatolie est plongé en état de quasi-guerre civile.

Isolement

Contraint en 1998 de quitter la Syrie sous la pression turque, Abdullah Öcalan erre dans toute l'Europe à la recherche d'un improbable asile politique. Il est finalement localisé au Kenya et capturé par les services secrets turcs à la porte de l'ambassade de Grèce à Nairobi, puis ramené en Turquie.

Jugé et condamné à mort en 1999, il ne doit sa survie qu'à la volonté turque d'entrer dans l'Union européenne (UE) et à la suppression de la peine capitale en 2002. Sa peine est commuée en détention à perpétuité.

Abdullah Öcalan sous les verrous, Ankara pense avoir décapité le PKK. Grosse erreur. Car même à l'isolement dans son île-prison d'Imrali, non loin d'Istanbul, Abdullah Öcalan continue à diriger son mouvement en délivrant ses instructions à ses avocats lors de leurs rares visites.

C'est lui qui ordonne un cessez-le-feu unilatéral qui perdure jusqu'en 2004. C'est lui aussi qui commande au mouvement de renoncer à un Etat kurde indépendant et de militer pour une autonomie politique au sein de la Turquie.

Le gouvernement islamo-conservateur croit pouvoir contourner le chef kurde en engageant en 2009 des négociations secrètes, en Norvège, avec d'autres chefs du PKK. Peine perdue, ce "processus d'Oslo" capote deux ans plus tard.

Abdullah Öcalan fait une fois encore étalage de son influence fin 2012 lors d'une grève de la faim suivie par 700 détenus kurdes, dont il ordonne la fin au bout de deux mois. Et, même s'il l'a menacé de rétablir la peine de mort contre lui, c'est bien avec lui que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan renoue le dialogue.

De l'avis de ceux qui sont autorisés à le rencontrer, Abdullah Öcalan n'a pas souffert de son incarcération. "Malgré son isolement, il est au sommet de sa forme", rapporte le député kurde Altar Tan. A tous, il répète sa détermination à aboutir à la paix. "Si ce processus échoue, vous pourrez considérer qu'Apo est mort", lâche-t-il.

L'opposition nationaliste et une partie de l'opinion publique turque ont beau dénoncer le "scandale" de ces pourparlers, qu'importe.

"Il reste un acteur important et central pour toutes ces masses qui laiment", leur répond le vice-Premier ministre Bülent Arinç. Plus que jamais, Abdullah Öcalan détient la clé d'une solution au conflit kurde.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.