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Turquie: Le représentant de RSF et deux intellectuels inculpés pour "propagande terroriste"


Lundi 20 juin 2016 à 16h54

Istanbul, 20 juin 2016 (AFP) — L'étau sur la presse en Turquie s'est encore resserré lundi avec l'inculpation pour "propagande terroriste" du représentant de Reporters sans frontières (RSF) dans le pays ainsi que de deux intellectuels turcs de renom accusés de soutenir la cause kurde, placés en détention provisoire.

La justice reproche à Erol Önderoglu, qui représente RSF depuis 1996 en Turquie, ainsi qu'à Ahmet Nesin et Sebnem Korur Fincanci, d'avoir participé à une campagne de solidarité avec la presse pro-kurde en mai dernier.

Ils sont poursuivis pour trois articles qui traitaient de luttes d'influence entre diverses forces de sécurité turques et des opérations en cours contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est anatolien.

Une centaine de personnes venues les soutenir au palais de justice d'Istanbul ont scandé "Nous ne céderons pas aux pressions" à l'énoncé du jugement, selon les images diffusées sur les réseaux sociaux.

Les trois suspects ont par la suite été menottés et conduits à une maison d'arrêt de la mégapole turque par la police.

"Le procureur qui nous a entendus a réclamé que nous soyons inculpés et écroués pour propagande terroriste", en faveur du PKK, mouvement armé considéré comme terroriste par bon nombre de pays, a expliqué M. Önderoglu au téléphone à l'AFP juste avant son inculpation.

Ces trois personnes ont été inculpées au nom de la législation antiterroriste turque, pomme de discorde avec l'Union européenne qui souhaiterait voir son champ d'application fortement restreint.

Ces trois militants de la cause kurde et des libertés en général avaient pris en mai dernier symboliquement à tour de rôle la direction du journal pro-kurde Özgür Gündem, dans le collimateur de la justice et des autorités turques depuis des années.

Une procédure judiciaire avait ensuite été lancée à leur encontre.

M. Nesin est un écrivain et intellectuel connu tandis que Mme Fincanci, professeur de médecine légale, préside la Fondation des Droits de l'Homme (TIHV).

RSF a vivement dénoncé sur Twitter le jugement des magistrats turcs: "La liberté de la presse est tombée à un niveau incroyablement bas", a dit l'organisation de défense des droits de la presse basée à Paris.

- Démarche 'profondément honteuse' -

Avant leur inculpation, RSF avait déjà condamné dans un communiqué une démarche judiciaire "aberrante et profondément honteuse" vis-à-vis de son représentant.

"L'organisation réaffirme son soutien inconditionnel à son représentant et appelle à abandonner toutes les poursuites dans cette affaire", souligne le texte.

La Turquie occupe la 151è place sur 180 dans le Classement 2016 de la liberté de la presse, publié par RSF.

Le régime islamo-conservateur du président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002, est accusé de museler la presse indépendante en Turquie et d'avoir ces derniers mois multiplié les coups de butoir contre les médias.

Can Dündar, rédacteur en chef du journal d'opposition Cumhuriyet, condamné en mai à cinq ans et dix mois de prison pour "divulgation de secrets d'Etat" pour avoir révélé que le régime turc livrait des armes aux groupes jihadistes en Syrie, a aussi réagi sur Twitter.

"Il n'est pas question de céder. Nous devons à présent reprendre le flambeau et soutenir Özgür Gündem", a écrit le journaliste, qui reste en liberté jusqu'à ce que la cour d'appel tranche sur son cas.

Le sud-est de la Turquie vit au rythme des combats quotidiens entre forces de sécurité turques et rebelles depuis la reprise l'été dernier des hostilités qui a sonné le glas de deux ans de pourparlers de paix entre Ankara et le PKK en vue de mettre un terme à une rébellion qui a fait 40.000 morts depuis 1984.

Dimanche soir, M. Erdogan a affirmé devant la presse que plus de 7.000 rebelles du PKK avaient été "neutralisés" lors des combats qui ont fait plus de 600 morts parmi les forces de sécurité turques.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.