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Turquie: le principal parti pro-kurde se retire du Parlement, répression accrue


Dimanche 6 novembre 2016 à 17h28

Istanbul, 6 nov 2016 (AFP) — Le principal parti pro-kurde de Turquie, dont les deux co-présidents et plusieurs députés ont été arrêtés, a annoncé dimanche se retirer de toute activité au Parlement, pour protester contre un niveau de répression sans précédent.

Le Parti démocratique des peuples (HDP), troisième parti du pays avec 59 députés, ne participera ni aux séances parlementaires, ni au travail des commissions, a-t-il précisé dans un communiqué.

Les députés qui n'ont pas été arrêtés se consacreront à rencontrer leurs électeurs, allant "de maison en maison, de village en village et de district en district", pour ensuite formuler des propositions sur la façon dont leur parti peut continuer ses activités.

Les neuf députés, dont les deux coprésidents du HDP, Selahattin Demirtas et Mme Figen Yüksekdag, ont été placés officiellement vendredi en détention préventive en attendant leur procès. Ils sont accusés d'appartenir ou d'être liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Le HDP a toujours nié farouchement être une vitrine politique pour le PKK, qui mène depuis trois décennies une lutte armée pour demander plus de droits et d'autonomie pour les Kurdes.

Ce vaste coup de filet à l'encontre du principal parti kurde survient après des semaines d'arrestations et de fermetures d'institutions dans les milieux kurdes et prokurdes, à la suite du coup d'Etat avorté de juillet.

Le président Recep Tayyip Erdogan, s'exprimant pour la première fois au sujet de ces arrestations, a décrit dimanche le HDP comme une "branche" du PKK et dit avoir "beaucoup souri" de voir le charismatique M. Demirtas comparé, dans les médias occidentaux, au président américain Barack Obama.

"C'est très facile de voir leurs vrais visages" a-t-il déclaré dans un discours télévisé.

Dans un message relayé depuis sa prison par ses avocats, M. Demirtas a estimé que la Turquie était plongée "encore davantage dans l'obscurité". "Mais souvenez-vous qu'une seule allumette, une seule bougie suffit à éclairer cette noirceur", a-t-il plaidé.

- 'Dictateur' indifférent -

Les pays occidentaux ont vivement réagi à ce nouveau tour de vis, disant de plus en plus clairement que le président Erdogan se sert de l'état d'urgence décrété après le coup d'Etat manqué pour réprimer, au-delà des comploteurs, toutes les voix critiques.

L'UE a notamment dit son inquiétude face à une évolution qui "fragilise la démocratie en Turquie".

En retour, Ankara a annoncé dimanche avoir convoqué l'ensemble des ambassadeurs des pays de l'UE à une réunion lundi matin pour que le chef de la diplomatie turque, Omer Celik, leur fasse part "des derniers développements dans notre pays".

Répondant à ces critiques, et notamment au quotidien allemand Bild qui le qualifie de "dictateur", M. Erdogan a affirmé que cela lui était "parfaitement égal". Cela "entre dans une oreille et ressort par l'autre".

Samedi, neuf salariés du principal quotidien d'opposition Cumhuriyet, dont son rédacteur en chef, avaient aussi été placés en détention, accusés de liens à la fois avec le prédicateur Fethullah Gülen - accusé d'avoir ourdi le putsch raté - et avec le PKK.

Plus de 35.000 personnes ont été arrêtées en Turquie depuis la mi-juillet avait annoncé fin octobre le ministre de la Justice.

Une attaque à la voiture piégée, qui a tué onze personnes vendredi à Diyarbakir dans le sud-est turc à majorité kurde, avait été attribuée par le pouvoir au PKK, avant que l'organisation Etat islamique ne le revendique via son organe de propagande Amaq.

Mais dimanche les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), groupe radical ayant fait scission du PKK, responsable déjà de plusieurs attentats meurtriers, ont affirmé qu'il s'agissait d'un attentat-suicide mené par l'un de ses militants.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.