Page Précédente

Turquie: le parti d'Erdogan mobilise dans la dernière ligne droite avant les législatives


Dimanche 25 octobre 2015 à 08h50

Istanbul, 25 oct 2015 (AFP) — A une semaine des législatives, le parti du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan met les bouchées doubles pour reconquérir sa majorité absolue perdue il y a cinq mois, dans un climat de tensions attisées par l'attentat d'Ankara et le conflit kurde.

Le Premier ministre et chef du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), Ahmet Davutoglu, doit réunir dimanche après-midi ses partisans à Istanbul avec l'espoir de faire mentir les sondages, qui pronostiquent à la quasi-unanimité un "remake" du scrutin du 7 juin.

Avec 40,6% des voix, l'AKP, seul maître du pays depuis treize ans, avait subi un recul de près de dix points par rapport à son score de 2011 et perdu sa majorité absolue.

Ce résultat a sonné comme une défaite personnelle pour M. Erdogan, qui avait pesé de tout son poids sur l'élection avec l'espoir que son camp réussisse le raz-de-marée nécessaire pour imposer la "superprésidence" de ses rêves.

Faute d'avoir réussi à former un cabinet de coalition, M. Davutoglu est donc reparti en piste pour des élections anticipées qui se jouent dans un contexte totalement différent.

Depuis la fin juillet, des affrontements meurtriers ont repris entre les forces de sécurité turques et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui ont fait voler en éclat le fragile processus de paix engagé à l'automne 2012.

Trois mois après une attaque suicide similaire dans la ville de Suruç frontalière de la Syrie, la Turquie a également été frappée le 10 octobre par l'attentat le plus meurtrier de son histoire. Attribuée aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI), cette double attaque suicide a tué 102 militants de la cause kurde, au coeur de sa capitale Ankara.

Engagé dans une "guerre contre le terrorisme", le gouvernement sortant a mis de côté son plaidoyer sur la présidentialisation du régime et arpente désormais les estrades en garant de la sécurité et de l'unité du pays, sur le thème "moi ou le chaos".

- Attiser les tensions -

"Si l'AKP perd le pouvoir, les bandes criminelles rôderont par ici et les +Toros+ blanches feront leur retour", a menacé cette semaine M. Davutoglu en faisant référence aux voitures utilisées dans les années 1990 par les escadrons de la mort à l'origine de nombreux meurtres et disparitions non résolus dans le sud-est du pays.

"Nous ne laisserons pas ce pays être gagné par l'incendie qui sévit dans la région, nous ne le laisserons pas devenir un pays où les traîtres prospèrent", a lancé pour sa part M. Erdogan.

Dans sa campagne, le pouvoir a fait du principal parti prokurde son adversaire numéro 1.

Le Parti démocratique des peuples (HDP), qui, en raflant 13% des voix en juin, a largement contribué à priver l'AKP de sa majorité absolue, est systématiquement dénoncé comme un "complice" des "terroristes" du PKK.

Contraint d'annuler ses grandes réunions publiques par crainte d'un nouvel attentat, son chef de file Selahattin Demirtas rend coup pour coup au président et à son gouvernement dans les médias, en l'accusant d'être responsable de la reprise du conflit kurde et d'encourager les jihadistes. "L'Etat est un tueur en série", a-t-il lancé après l'attaque d'Ankara.

Sur la même ligne, le reste de l'opposition reproche au pouvoir d'attiser les tensions pour parvenir à ses fins.

"Le monde entier s'inquiète de la Turquie (...) la polarisation politique l'a mise dans cette situation", a déploré le chef des sociaux-démocrates, Kemal Kiliçdaroglu. "L'AKP est le principal responsable de l'instabilité actuelle", a renchéri celui des nationalistes, Devlet Bahçeli.

Malgré ses efforts pour séduire l'électorat nationaliste, le pari de l'AKP est en passe d'échouer. Les dernières enquêtes d'opinion le créditent de 40 et 43% des intentions de vote mais de moins de la moitié des 550 sièges du Parlement.

Ce scénario contraindrait à nouveau le parti de M. Erdogan à partager le pouvoir ou, en cas d'échec, d'organiser un nouveau scrutin.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.