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Turquie: le journaliste suédois condamné avec sursis restera en détention


Jeudi 1 mai 2025 à 01h08

Ankara, 30 avr 2025 (AFP) — Le journaliste suédois Joakim Medin, arrêté fin mars à son arrivée en Turquie, a été condamné mercredi à onze mois de prison avec sursis pour "insulte au président" turc, mais restera en prison dans l'attente d'un autre procès pour "appartenance à une organisation terroriste".

Le reporter du journal suédois Dagens ETC comparaissait en visioconférence devant un tribunal d'Ankara depuis sa cellule de la prison de Silivri, à l'ouest d'Istanbul, a constaté une journaliste de l'AFP.

La justice turque l'accusait d'avoir participé en janvier 2023 - ce que le journaliste nie depuis le début - à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit) à Stockholm au cours de laquelle une effigie du président turc Recep Tayyip Erdogan avait été pendue par les pieds.

De nouveau mercredi, M. Medin a affirmé "n'avoir jamais participé à cet événement": "J'étais en Allemagne pour mon travail. Je n'étais même pas au courant de cette manifestation", a-t-il déclaré.

Le tribunal a montré durant l'audience des clichés pris lors d'un autre rassemblement, en août 2023 à Stockholm, alors que la Turquie barrait toujours l'entrée de la Suède dans l'Otan.

"Je n'ai jamais eu l'intention d'insulter le président (Erdogan). J'étais chargé d'écrire les articles et mes éditeurs ont choisi les photos", s'est défendu le reporter qui a rappelé que le chef de l'Etat était alors "une figure centrale" exhibée lors de ces défilés.

- "disproportionné et arbitraire"-

Agé de 40 ans, Joakim Medin avait été interpellé le 27 mars à son arrivée à Istanbul où il venait couvrir les manifestations déclenchées par l'arrestation le 19 mars du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du chef de l'Etat.

Le journaliste est par ailleurs accusé d'"appartenance à une organisation terroriste", un crime pour lequel il encourt jusqu'à neuf ans de prison et qui fera l'objet d'un procès ultérieur.

Cette accusation s'appuie sur des publications sur les réseaux sociaux, des articles de presse et des livres écrits "uniquement dans le cadre de ses activités journalistiques", a déclaré à l'AFP Baris Altintas, codirectrice de l'ONG turque de défense des droits humains MLSA, qui le défend.

La date de ce procès n'a pas encore été annoncée.

Ces dernières années, des dizaines de Turcs, adolescents, journalistes et même une ancienne Miss Turquie ont été poursuivis pour "insulte au président".

"Le délit d'+insulte au président+ est utilisé pour harceler de nombreux journalistes locaux et étrangers et méconnaît clairement les précédents établis par la Cour européenne des droits de l'homme", déplore Erol Önderoglu, représentant de Reporters sans Frontières (RSF).

Il juge "gravement disproportionné et arbitraire qu'un journaliste étranger soit accusé d'avoir participé à un événement, dans son propre pays, alors qu'il dit n'avoir fait que le couvrir".

RSF place la Turquie au 158e rang sur 180 de son classement de la liberté de la presse dans le monde.

Selon Andreas Gustavsson, rédacteur en chef de Dagens ETC, Joakim Medin est "en assez bonne condition".

- "mon métier" -

Il a pu faire de l'exercice en détention, rencontrer ses avocats, des représentants du consulat de Suède - dont plusieurs ont assisté à l'audience - et, "une fois par semaine, appeler brièvement sa femme", a précisé M. Gustavsson".

"Je n'ai fait que mon métier de journaliste", a insisté le reporter. "Tout ce que je veux c'est rentrer soutenir ma femme encente et voir ma petite fille" .

Près de 2.000 personnes ont été arrêtées dont de nombreux étudiants et des journalistes durant les vastes manifestations en soutien au maire emprisonné d'Istanbul.

Un correspondant de la BBC, Mark Lowen, a été expulsé de Turquie le jour de l'arrestation de Joakim Medin pour "menace à l'ordre public" et une dizaine de reporters turcs, dont le photographe de l'AFP, Yasin Akgül, ont été arrêtés et détenus plusieurs jours, accusés de participation à une manifestation interdite à Istanbul.

Les relations entre la Turquie et la Suède s'étaient détériorées lorsqu'Ankara avait refusé de ratifier la candidature de Stockholm à l'Otan après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Le président Erdogan reprochait à la Suède sa mansuétude présumée envers des militants kurdes réfugiés sur son sol.

Ankara avait finalement cédé début 2024, ratifiant l'adhésion du pays scandinave à l'Alliance atlantique après vingt mois de tractations.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.