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Turquie/Kurdes: heurts après l'arrestation des maires de Diyarbakir


Mercredi 26 octobre 2016 à 12h37

Diyarbakir (Turquie), 26 oct 2016 (AFP) — Des heurts ont éclaté mercredi à Diyarbakir au lendemain de l'arrestation des deux maires de cette grande ville du sud-est à majorité kurde de la Turquie, où les autorités ont lancé la chasse aux responsables locaux jugés proches de la rébellion kurde.

Des policiers déployés autour de la mairie de la ville ont repoussé à coups de matraque, de grenades lacrymogènes et en faisant usage de canons à eau des centaines de manifestants, dont certains jetaient des pierres, a constaté un journaliste de l'AFP.

Gültan Kisanak, une figure importante de la cause kurde et première femme élue à la tête de Diyarbakir, et son collègue Firat Anli ont été interpellés mardi soir dans le cadre d'une enquête sur de présumées "activités terroristes" liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a indiqué le parquet de la ville dans un communiqué.

L'Union européenne (UE) a fait savoir qu'elle suivait "les informations très inquiétantes sur l'arrestation des co-maires démocratiquement élus de Diyarbakir" dans un communiqué signé par sa chef de la diplomatie Federica Mogherini et le commissaire à l'Élargissement, Johannes Hahn.

Les autorités turques ont multiplié ces dernières semaines, dans le sud-est du pays, les suspensions et arrestations de responsables locaux et fonctionnaires accusés de "propagande terroriste" ou de "soutien logistique" pour le compte du PKK qui mène une sanglante guérilla contre Ankara depuis 1984.

"Les pressions ne nous intimideront pas", ont lancé les manifestants à Diyarbakir, qui ont également scandé des slogans hostiles au gouvernement, selon le journaliste de l'AFP.

Des manifestations pour réclamer la libération de Mme Kisanak et M. Anli, élus sous les couleurs du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, prokurde), ont également eu lieu ailleurs en Turquie, notamment à Istanbul où quelques centaines de personnes ont organisé un sit-in sous une importante surveillance policière.

- Arrestations 'illégales et arbitraires' -

Dénonçant des arrestations "illégales et arbitraires", le Parti démocratique des peuples (HDP), principale formation prokurde du pays, a appelé mercredi la communauté internationale à "ne pas rester silencieuse".

"Mû par un esprit de vengeance, le gouvernement (...) est en train de piétiner la volonté populaire", a estimé dans un communiqué le HDP, qui réclame la "remise en liberté immédiate" des deux maires en garde à vue.

Selon le parquet de Diyarbakir, Mme Kisanak et M. Anli sont notamment soupçonnés d'avoir permis l'utilisation de véhicules municipaux pour les funérailles de membres du PKK tués par les forces de sécurité, d'avoir "incité à la violence" ou encore d'avoir soutenu des appels en faveur d'une plus grande "autonomie".

Mme Kisanak a été arrêtée mardi soir à la descente de l'avion qui la ramenait d'Ankara, où elle avait témoigné devant la commission d'enquête composée de magistrats et de parlementaires créée après la tentative de putsch du 15 juillet dernier.

Plusieurs municipalités BDP du sud-est de la Turquie sont dirigées par des co-maires, généralement une femme et un homme, dans un geste symbolique d'égalité. C'est aussi le cas du HDP, co-présidé par Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag.

La connexion internet a été coupée à Diyarbakir, a constaté l'AFP. L'agence de presse privée Dogan a quant à elle rapporté que plusieurs villes du sud-est étaient sans internet mercredi à la mi-journée.

Le mois dernier, 24 maires du sud-est du pays soupçonnés d'être liés au PKK ont été suspendus et remplacés par des administrateurs nommés par le gouvernement, une mesure qui a déclenché des manifestations dans plusieurs villes de la région.

Un administrateur désigné par le gouvernement a été tué par balles le 16 octobre à Van, dans l'est de la Turquie, au cours d'une attaque qui n'a pas été revendiquée.

Le PKK, considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme un groupe terroriste, et l'armée turque ont rompu, à l'été 2015, un fragile cessez-le-feu et repris les hostilités, qui ont fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.