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Turquie: enquête judiciaire pour "propagande terroriste" contre le groupe de médias Dogan


Mardi 15 septembre 2015 à 14h10

Ankara, 15 sept 2015 (AFP) — La justice turque a ouvert une enquête pour "propagande terroriste" contre le puissant groupe Dogan, propriétaire du quotidien Hürriyet et de la chaîne d'information CNN-Türk, a rapporté mardi l'agence de presse progouvernementale Anatolie.

Le groupe de médias est accusé d'avoir publié des images "non censurées" de soldats turcs tués lors de récents attentats commis par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) mais d'avoir, au contraire, flouté d'autres photos de combattants rebelles morts, a précisé Anatolie.

Parmi les autres chefs accusations visant Dogan, l'agence a cité la diffusion sur la chaîne CNN Türk d'un entretien avec une jeune militante, connue pour avoir participé aux émeutes antigouvernementales de 2013, qui a rejoint les rangs du PKK.

Jeudi dernier, le journal proche du pouvoir Günes avait accusé en première page le propriétaire du groupe Dogan, Aydin Dogan, d'être favorable aux rebelles. "Il soutient ouvertement les terroristes, il les protège et provoque le chaos en publiant de fausses informations", avait écrit le quotidien.

Sur son site internet, le quotidien Hürriyet a affirmé que l'enquête de la justice avait été motivée par cette "une", qualifiée de "tissus de mensonges".

De violents affrontements ont repris depuis près de deux mois entre les forces de sécurité turques et le PKK. Ils ont fait voler en éclats les fragiles discussions de paix engagées entre le gouvernement et les Kurdes fin 2012 pour tenter de mettre un terme à un conflit qui a déjà fait 40.000 morts depuis 1984.

Le siège de Hürriyet à Istanbul a été attaqué à deux reprises ces derniers jours par des partisans du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, qui reprochaient au quotidien d'avoir déformé ses propos.

A moins de deux mois des élections législatives anticipées du 1er novembre, le chef de l'Etat est accusé par ses détracteurs de vouloir faire taire toute critique contre son régime.

"Le gouvernement envisage-t-il de les faire taire avant les élections ?", a réagi sur son compte Twitter la représentante de l'ONG Human Rights Watch (HRW) en Turquie, Emma Sinclair-Webb, après l'annonce de la procédure visant Dogan.

Lundi, le directeur de la publication du magazine Nokta a été interpellé et le siège du journal perquisitionné après la publication en première page de son dernier numéro d'un photomontage présentant M. Erdogan prenant un "selfie" devant le cercueil d'un soldat.

Le porte-parole de M. Erdogan a refusé mardi de commenter l'enquête ouverte contre Dogan mais a critiqué Nokta.

"La Turquie mène la lutte contre le terrorisme, chacun doit accomplir sa part avec sensibilité", a estimé Ibrahim Kalin, ajoutant: "diffuser, directement ou indirectement, de la propagande pour le compte de l'organisation terroriste (...) ne peut en aucun cas être considéré comme relevant de la liberté de la presse".

La Turquie est régulièrement épinglée par les ONG de défense de la liberté de la presse, qui reprochent à son gouvernement ses pressions récurrentes sur les journalistes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.