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Turquie: 4 universitaires, 2 journalistes et la liberté d'expression en procès


Vendredi 22 avril 2016 à 11h04

Istanbul, 22 avr 2016 (AFP) — Quatre universitaires turcs accusés de "propagande terroriste" sont appelés à la barre vendredi lors d'un procès qui illustre pour leurs soutiens les atteintes aux libertés sous le président Erdogan, au moment où sont également jugés deux célèbres journalistes.

Les quatre universitaires turcs accusés sont poursuivis pour avoir lu en public et signé une pétition dénonçant les "massacres" commis par les forces de sécurité turques pendant des opérations contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans plusieurs villes sous couvre-feu.

En détention depuis le mois dernier, Esra Munger, professeure à l'université Bogazici, Muzaffer Kaya, qui enseigne aux Beaux-Arts, Kivanc Ersoy, professeur à l'université Nisantasi et Meral Camci, professeure jusqu'en février à l'université Yeni Yüzyil, risquent jusqu'à sept ans et demi de prison.

Hasard du calendrier judiciaire, la troisième audience du procès à huis clos de deux journalistes accusés d'"espionnage" s'est ouvert à 07H00 GMT dans le même palais de justice d'Istanbul, autour duquel des dizaines de policiers antiémeute, deux camions blindés surmontés d'un canon à eau et des barrières ont été déployés.

Au moins 300 personnes, dont de nombreux universitaires, étaient rassemblées devant le bâtiment pour soutenir les accusés dans les deux procès, a rapporté un journaliste de l'AFP, aux cris de "Liberté à nos stylos" et "Fiers de nos universitaires".

Le procès de ces derniers devait commencer à 11H00 GMT.

En janvier, plus de 1.200 intellectuels turcs et étrangers avaient signé cette pétition, suscitant la fureur du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, qui avait promis que les pétitionnaires paieraient le "prix" de leur "trahison".

Le Premier ministre Ahmet Davutoglu avait lui dénoncé "l'alliance du mal" formée par certains médias, universitaires et dirigeants politiques qui "soutiennent les attaques contre la Turquie".

Dans la foulée, des procédures judiciaires avaient été déclenchées dans toute la Turquie et une vingtaine d'universitaires placés en garde à vue, ravivant dans ce pays comme à l'étranger les critiques sur les atteintes à la liberté d'expression sous la présidence de M. Erdogan.

- 'Ils n'obtiendront aucun résultat' -

Le sud-est à majorité kurde de la Turquie vit à nouveau depuis des mois au rythme des combats meurtriers et quotidiens entre les forces de sécurité turques et les rebelles. Plus de 350 soldats ou policiers en ont été victimes, selon les autorités, qui évoquent un chiffre invérifiable de plus de 5.000 tués dans les rangs du PKK.

Vendredi, trois soldats ont été tués dans une explosion au passage de leur convoi militaire vendredi à Tunceli, dans le sud-est.

Le président turc a proposé au début du mois de déchoir de leur citoyenneté turque tous ceux qu'ils considèrent comme les "complices" du PKK, avocats, intellectuels, journalistes ou élus.

Le procès à huis clos de deux journalistes du quotidien d'opposition Cumhuriyet se poursuit également avec une troisième audience vendredi qui a débuté à 07H00 GMT. Can Dündar, son rédacteur en chef, et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, sont accusés d'espionnage, de divulgation de secrets d'Etat et de tentative de coup d'Etat et risquent la prison à vie.

Arrivant au palais de justice pour cette audience, M. Dündar a qualifié d'heureuse coïncidence" la concommitance des deux procès. "Ils n'obtiendront aucun résultat avec ces procès. Notre combat va permettre de faire avancer les libertés de la presse et d'expression", a-t-il assuré, cité par les médias turcs.

Le procès de ces deux journalistes reconnus, qui avaient diffusé un article et une vidéo faisant état de livraisons d'armes par les services secrets turcs à des rebelles islamistes en Syrie, est devenu pour nombre d'ONG et d'opposants à M. Erdogan le symbole d'une liberté de la presse menacée.

La Turquie pointe à la 151e place sur 180 au dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.