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Turquie: 15 morts dans les émeutes kurdes, qui se propagent à Istanbul


Lundi 3 avril 2006 à 13h00

ISTANBUL, 3 avr 2006 (AFP) — Les émeutes kurdes qui ont frappé la semaine dernière le sud-est à majorité kurde de la Turquie se sont étendues à Istanbul (nord-ouest), première métropole du pays, où trois personnes ont été tuées dimanche soir dans l'incendie d'un bus après une attaque au cocktail molotov.

Douze personnes, dont trois enfants, ont trouvé la mort depuis le début de la semaine dernière dans de violents incidents survenus à Diyarbakir, principale ville du sud-est anatolien, et ses environs.

Trois autres personnes sont mortes dimanche soir à Istanbul dans une attaque au cocktail molotov.

Par ailleurs, une personne a été tuée dans un attentat à la bombe revendiqué par un groupe armé kurde vendredi dans un faubourg de la cité de 12 millions d'habitants, sans qu'un lien entre cette attaque et les émeutes n'ait pu être établi. Le groupe entendait riposter à un accrochage entre rebelles kurdes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste) et l'armée qui avait coûté la vie à 14 rebelles.

C'est l'enterrement de ces rebelles qui avait mis le feu aux poudre dans la région kurde, entraînant des heurts entre jeunes manifestants kurdes et la police.

Dans l'attaque d'Istanbul, le véhicule a été pris pour cible par une centaine de manifestants masqués scandant des slogans favorables au PKK à Bagcilar, un quartier populaire.

Une femme de 62 ans, sortie affolée du bus en feu, a été heurtée par une voiture et est morte à l'hôpital. Deux corps ont été découverts après que la police eut dégagé la carcasse du bus, qui s'était encastré dans un camion en tentant d'échapper à l'attaque, selon les médias.

Plus tôt dans la journée, quelque 200 manifestants kurdes avaient affronté la police anti-émeutes sur la place de Taksim, en plein coeur de la métropole.

Tentant de trouver refuge dans le quartier voisin de Dolapdere, plusieurs manifestants ont été attaqués et sévèrement battus par les habitants, en majorité des Roms, qui brandissaient des couteaux, haches et bâtons, criant des slogans nationalistes.

Ces événements font écho aux émeutes qui secouent le sud-est anatolien.

La propagation des manifestations à Istanbul, où résident, souvent dans des conditions précaires, plusieurs centaines de milliers d'immigrés kurdes, faisait craindre aux spécialistes d'éventuels heurts interethniques.

"L'instrumentalisation par certains partis opposés au gouvernement des clivages ethniques peut engendrer des dérapages violents", a affirmé à l'AFP Jean-François Pérouse, de l'Observatoire de la vie urbaine à Istanbul, faisant référence aux campagnes de partis nationalistes opposés à la résolution de la question kurde par un processus politique.

Pour le chercheur français, la communauté kurde d'Istanbul, largement issue d'une "immigration forcée" fuyant au cours des années 1990 le conflit dans le sud-est, est d'autant plus encline à la violence qu'elle est "marginalisée économiquement et exclue politiquement".

A Diyarbakir et ses environs, la situation était calme lundi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

La plupart des quotidiens imputaient lundi la responsabilité des violences au PKK, condamné selon eux à mener une politique de tension pour assurer sa propre survie.

"Le PKK, qui sent qu'il n'aura pas de place dans le processus politique, tente de recréer les conditions des jours anciens de la sale guerre", a commenté Ferai Tinç, de Hürriyet.

Depuis 1984, les affrontements entre forces gouvernementales et PKK, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne, ont fait quelque 37.000 morts, ravagé l'économie du sud-est et entraîné le déplacement de millions de personnes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.