Page Précédente

Trump ordonne le retrait des troupes américaines de Syrie


Mercredi 19 decembre 2018 à 21h09

Washington, 19 déc 2018 (AFP) — Le président des Etats-Unis Donald Trump a ordonné le retrait des troupes américaines stationnées en Syrie, estimant avoir atteint son objectif: "vaincre" le groupe Etat islamique (EI) dans ce pays déchiré par la guerre.

"C'est un retrait total" qui interviendra aussi rapidement que possible, a indiqué mercredi à l'AFP un responsable américain sous couvert d'anonymat. Il a précisé que cette décision, qui pourrait être lourde de conséquences dans la région, en particulier pour les combattants kurdes, avait été finalisée mardi.

Ces derniers mois, de haut-responsables militaires américains ont multiplié les mises en garde contre un retrait précipité qui laisserait la voie libre en Syrie aux alliés du régime de Bachar al-Assad, à savoir la Russie, grande rivale des Etats-Unis, et l'Iran, véritable bête noire de l'administration Trump.

Quelque 2.000 soldats américains sont actuellement déployés dans le nord de la Syrie, essentiellement des forces spéciales présentes pour combattre l'EI et entraîner les forces locales dans les zones reprises aux jihadistes.

"Nous avons vaincu le groupe Etat islamique en Syrie, la seule raison pour moi pour laquelle nous étions présents pendant la présidence Trump", a lancé, dans un tweet laconique, le président américain, qui a plusieurs fois exprimé le souhait de "ramener les troupes à la maison".

La Maison Blanche est restée évasive sur le calendrier, se bornant à affirmer, sans indications chiffrées, que le départ des soldats américains avait débuté.

"La campagne contre l'EI n'est pas terminée", a de son côté souligné le Pentagone, sur un ton plus nuancé que le tweet présidentiel, précisant qu'il ne fournirait aucun détail pour des raisons de sécurité.

Aucune information n'a été communiquée concernant l'impact de cette décision sur la campagne de frappes aériennes menées en Syrie depuis fin 2014.

- "Trahison" pour les Kurdes -

Cette annonce pourrait par ailleurs placer dans une situation très difficile la milice kurde YPG, qui se bat avec l'appui de Washington contre les jihadistes du groupe EI dans le nord de la Syrie.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a une nouvelle fois menacé lundi de "se débarrasser" de cette dernière si leur parrain américain ne les contraignait pas à s'en retirer. Ankara considère cette milice comme une organisation "terroriste" liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Pour Rafee Ismail, commerçant dans la ville kurde de Qamishli, (nord-est de la Syrie), le retrait américain est "une trahison des principes humanitaires". Elle est "en contradiction frontale avec les engagements de Washington (...) de protéger le peuple kurde qui a tant sacrifié pour lutter contre le terrorisme".

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré qu'Israël, informé par avance par les Etats-Unis, allait étudier les retombées d'un retrait américain de Syrie, mais "saurait se défendre" contre les éventuelles menaces venues de chez son voisin.

Israël a mené des dizaines de frappes en Syrie depuis le déclenchement de la guerre dans ce pays en 2011, contre des positions du Hezbollah et des intérêts iraniens mais aussi contre des convois d'armes destinés selon l'Etat hébreu au mouvement libanais. Le Hezbollah et l'Iran, alliés du régime du président syrien Bachar al-Assad, sont deux des grands ennemis d'Israël.

Donald Trump l'a martelé sur les estrades de campagne: il estime que l'engagement des Etats-Unis au Moyen-Orient coûte des milliards de dollars qui seraient mieux dépensés au profit du contribuable américain, et qu'il faut laisser d'autres acteurs, notamment les pays arabes du Golfe, faire le travail sur place.

Mais plusieurs membres de son administration ont exprimé leurs net désaccord sur ce dossier sensible.

- "Enorme erreur" -

La semaine dernière encore, l'émissaire des Etats-Unis pour la coalition internationale antijihadistes, Brett McGurk, assurait que les Américains avaient vocation à rester encore pendant un bon moment en Syrie.

"Même si la fin du califat en tant que territoire est maintenant clairement à portée de main, la fin de l'EI prendra beaucoup plus longtemps", avait-il dit devant la presse à Washington, car "il y a des cellules clandestines" et "personne n'est naïf au point de dire qu'elles vont disparaître" du jour au lendemain.

A plusieurs reprises, le ministre américain de la Défense Jim Mattis a lui aussi mis en garde contre un départ précipité de la Syrie, évoquant le risque de "laisser un vide qui puisse être exploité par le régime d'Assad ou ses soutiens".

Dans le camp républicain, nombre d'élus de premier plan ont vivement regretté la décision du 45e président des Etats-Unis.

Pour le sénateur Lindsey Graham, "le retrait de cette petite force américaine en Syrie serait une énorme erreur, façon Obama". Pour son collègue Marco Rubio, cette décision, prise en dépit de mises en garde "quasi-unanimes" de la part des militaires, est une erreur "qui hantera l'Amérique pendant des années".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.