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Syrie: les forces soutenues par Washington annoncent l'arrêt "temporaire" des opérations anti-EI


Mercredi 31 octobre 2018 à 19h33

Qamichli (Syrie), 31 oct 2018 (AFP) — Les Forces démocratiques syriennes, dominées par une milice kurde et soutenues par la coalition anti-EI dirigée par Washington, ont annoncé mercredi la suspension de leur offensive contre les jihadistes dans l'Est, après les bombardements par la Turquie de positions militaires kurdes.

L'armée turque a bombardé ces derniers jours près de sa frontière en Syrie des positions des Unités de protection du peuple (YPG), le président turc Recep Tayyip Erdogan allant même jusqu'à brandir la menace d'une nouvelle offensive contre la principale milice kurde de Syrie.

Ankara voit d'un mauvais oeil l'influence acquise par les YPG dans le nord-est syrien. L'organisation est classée groupe "terroriste" par la Turquie, même si ses combattants luttent contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) avec le soutien de Washington.

Les YPG sont en effet l'épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition de combattants kurdes et arabes qui a lancé le 10 septembre une offensive contre l'ultime réduit de l'EI dans l'est syrien.

Mais sur ce front, les combattants des FDS ont dû essuyer des contre-attaques meurtrières lancées par les jihadistes.

Dénonçant une "synchronisation" entre les bombardements turcs et les contre-attaques jihadistes, les FDS ont averti mercredi que l'arrêt des opérations anti-EI dans l'Est pourrait s'inscrire dans la durée si Ankara poursuivait ses attaques.

- "Soutien à l'EI" -

"Cette coordination directe entre les attaques de l'armée turque et celles de l'EI contre nos forces nous a amenés à un arrêt temporaire de la bataille" contre "le dernier bastion de l'organisation terroriste", affirment les FDS dans un communiqué. "La poursuite de ces attaques entraînera un arrêt prolongé de notre opération militaire".

Évoquant les combats menés par les FDS dans l'Est syrien, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) assure qu'"au sol, tout est à l'arrêt".

Depuis dimanche, quatre combattants kurdes ont été tués dans le pilonnage de l'armée turque visant la région de Kobané et celle de Tal Abyad, directement à la frontière turque dans le nord syrien, selon l'OSDH.

Mercredi, l'armée turque a d'ailleurs visé des positions militaires kurdes dans le secteur de Kobané (Aïn al-Arab, en arabe), selon l'agence de presse étatique turque Anadolu.

"Les Unités de protection du peuple réagiront à toute menace ou attaque", avait prévenu mardi le porte-parole des YPG, Nouri Mahmoud, évoquant une "légitime défense".

Dans la ville syrienne de Qamichli dominée par les Kurdes (nord-est), des centaines de personnes ont manifesté contre les bombardements turcs, brandissant des portraits d'Abdullah Öcalan, le chef de la rébellion kurde du PKK, détenu depuis 1999 en Turquie.

"Ces attaques sont un soutien aux mercenaires de l'EI", s'est indigné Rizan Hamo, enseignant de 44 ans. "La communauté internationale et le monde entier doivent stopper l'Etat turc".

- "Grande ampleur" -

Le président Erdogan était monté à la charge mardi, assurant que les "préparatifs" en vue d'une nouvelle offensive étaient terminés. "Bientôt, il y aura des opérations plus efficaces et de plus grande ampleur", a-t-il mis en garde. "Nous allons détruire la structure terroriste à l'est de l'Euphrate".

Ankara considère la milice syrienne des YPG comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Mais si le PKK est classé comme "terroriste" par les alliés occidentaux de la Turquie, ce n'est pas le cas des YPG.

Dans les faits, la Turquie redoute que l'établissement d'une entité kurde à sa frontière ne galvanise les velléités séparatistes sur son sol.

Depuis 2016, la Turquie a mené deux opérations contre les forces kurdes, la dernière contre l'enclave frontalière d'Afrine, conquise en mars et aujourd'hui contrôlée par des rebelles syriens pro-Ankara.

Les antagonismes qui opposent la Turquie aux Kurdes syriens vient illustrer la complexité de la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011 et qui a fait plus de 360.000 morts.

Déclenché avec la répression par le régime de Bachar al-Assad de manifestations pro-démocratie, le conflit s'est rapidement transformé avec l'apparition de groupes rebelles armés, d'organisations jihadistes, mais aussi l'implication de puissances étrangères.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.