Vendredi 28 février 2025 à 15h49
Souleimaniyeh (Irak), 28 fév 2025 (AFP) — L'appel au désarmement lancé par le leader kurde Abdullah Öcalan, emprisonné en Turquie, a suscité un soulagement mais aussi des craintes pour l'avenir des Kurdes en Syrie et en Irak, qui aspirent à la paix après avoir combattu pour leur autonomie.
Dans un message historique, Abdullah Öcalan, le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a ordonné jeudi à sa formation qualifiée de "terroriste" par Ankara de "déposer les armes et (...) se dissoudre".
Principalement basé dans les montagnes du Kurdistan irakien, région autonome dans le nord de l'Irak, le PKK n'a pas encore réagi.
Enracinés dans une région montagneuse s'étendant à travers la Turquie, la Syrie, l'Irak et l'Iran, les Kurdes se sont soulevés à plusieurs reprises depuis les années 1920 contre les autorités centrales qui ont réprimé leurs révoltes dans le sang.
Aujourd'hui, des millions de Kurdes vivent dans une relative sécurité au Kurdistan irakien ainsi que dans le nord-est de la Syrie, où ils ont établi une administration semi-autonome à la faveur de la guerre dans ce pays.
- "Jour historique" -
A Souleimaniyeh, la deuxième plus grande ville du Kurdistan irakien, Rebaz Hassan, 31 ans, attendait avec impatience jeudi le message d'Öcalan.
"C'est un jour historique", a-t-il déclaré, tout en ajoutant: "certains ne savaient pas s'il fallait être heureux ou en colère".
Dans la ville de Qamichli, en Syrie voisine, Akid Farouk, 35 ans, a estimé que l'appel était "une bonne étape pour résoudre la question kurde en Turquie". "Ca aura un impact positif sur la région si le PKK l'applique", a-t-il ajouté.
Si les combattants d'Öcalan suivent son appel, cela représenterait une victoire majeure pour la Turquie, renforçant son statut de puissance régionale.
"Nous sommes à un moment historique, non seulement pour la mouvance kurde, mais aussi pour la Turquie et le Moyen-Orient. Ca va changer (...) aussi (...) la géopolitique du Moyen-Orient en plaçant la Turquie au centre", a déclaré Adel Bakawan, directeur de l'Institut européen d'études du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, basé en France.
Alors que pour l'Irak, un désarmement du PKK permettrait de résoudre une source majeure de tensions avec la Turquie voisine, la situation en Syrie est plus complexe.
Après la chute en décembre du président Bachar al-Assad, renversé par une coalition de groupes islamistes proches de la Turquie, l'avenir des Kurdes y semble incertain alors que les Forces démocratiques syriennes, dominées par cette communauté, contrôlent de grandes parties du nord-est du pays.
La Turquie accuse en effet la principale composante des FDS, les Unités de protection du peuple (YPG), d'être affiliée au PKK.
Certains Kurdes syriens espèrent qu'un accord avec le PKK pourrait adoucir la position de la Turquie à leur égard.
Un processus de paix ferait passer les FDS du statut de "l'ennemi" à celui "d'un allié de la Turquie", estime Adel Bakawan.
- Impact "politique" -
Pour Renad Mansour, du groupe de réflexion Chatham House à Londres, une nouvelle dynamique entre la Turquie et le PKK "aurait un impact sur le développement du système politique" en Syrie.
Les FDS ont à plusieurs reprises refusé les appels à désarmer lancés par les nouvelles autorités syriennes, affirmant vouloir rester une entité distincte.
Le chef des FDS, Mazloum Abdi, a salué la déclaration d'Öcalan comme une étape vers la paix, tout en disant qu'il ne se sentait pas lié par l'appel à désarmer.
"L'appel à déposer les armes du PKK le concerne lui et ne concerne pas nos forces", a-t-il dit jeudi, estimant que ses forces devaient plutôt rejoindre les rangs de l'armée syrienne actuellement mise en place par les nouvelles autorités.
Les FDS, soutenues par les Etats-Unis, ont été le fer de lance dans la lutte en Syrie contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), vaincu en 2019.
En Irak, quand l'EI a envahi de vastes territoires, le PKK a rejoint la lutte contre les jihadistes, défaits par les forces irakiennes soutenues par les Etats-Unis en 2017.
Depuis, les activistes kurdes ont étendu leur présence en Irak au-delà de la région autonome, s'installant dans des zones avoisinantes, et leur présence a longtemps été une source de tensions entre Bagdad et Ankara.
L'Irak a récemment inscrit le PKK sur la liste des "organisations interdites" mais Ankara lui a demandé de le reconnaître comme un groupe "terroriste".
Le politologue Ihassan al-Shemmari estime pour sa part qu'un processus de paix "soulagerait le gouvernement irakien de la pression turque pour agir contre le PKK" et améliorerait les relations entre les deux voisins.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.