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Opérations militaires de Bagdad dans la province de Kirkouk revendiquée par les Kurdes


Vendredi 13 octobre 2017 à 15h43

Kirkouk (Irak), 13 oct 2017 (AFP) — Les forces irakiennes ont repris vendredi des positions occupées depuis 2014 par les peshmergas kurdes dans le sud de la province pétrolière de Kirkouk, revendiquée par le Kurdistan autonome.

Face à elles, des milliers de peshmergas sont prêts à "défendre" leurs positions, selon les autorités kurdes en crise ouverte avec Bagdad depuis leur référendum d'indépendance tenu le 25 septembre contre l'avis de Bagdad.

"Les forces armées irakiennes avancent pour reprendre (aux peshmergas) les postes militaires dont ils se sont emparés lors des événements de juin 2014", a indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat un général de l'armée irakienne, en référence au chaos engendré par l'offensive fulgurante du groupe Etat islamique (EI).

Ce général, qui s'exprimait depuis une position au sud de la ville de Kirkouk, a indiqué que les forces avançaient vers le sud de la province après avoir repris "la Base-102, à l'ouest de Kirkouk (...) désertée sans combat par les peshmergas" dans la nuit.

Jaafar Cheikh Moustafa, commandant peshmerga à Kirkouk, a confirmé que les peshmergas venaient de se retirer de certaines zones dont ils avaient pris le contrôle après la débâcle des Irakiens face à l'EI en 2014.

- 'Nous nous battrons' -

"Nous sommes revenus sur nos lignes dans les environs de Kirkouk et nous défendrons la ville de Kirkouk", a-t-il ajouté. "Si l'armée irakienne s'y avance, nous nous battrons".

"Nous avons informé les commandants militaires (irakiens) que nous étions en contact" avec M. Abadi et "qu'il nous avait dit que nos problèmes seraient réglés par le dialogue sous 48 heures", a-t-il rapporté.

"Mais ils nous ont répondu qu'ils avaient reçu l'ordre d'avancer vers ces régions et qu'ils ne se préoccupaient pas des déclarations de M. Abadi", a-t-il ajouté.

Un député proche du Premier ministre, Jassem Jaafar, a affirmé que les unités d'élite de la police et du contre-terrorisme, ainsi que les Unités paramilitaires de mobilisation populaire (Hachd al-Chaabi, en arabe), avaient entamé ces mouvements pour "reprendre le contrôle des champs de pétrole pris par les peshmergas" en 2014.

Face à cette "force importante", a-t-il dit, "la logique serait de se retirer" pour les peshmergas.

Interrogés par l'AFP, des porte-parole de M. Abadi et du Hachd, se sont refusés à tout commentaire.

Le Hachd a toutefois publié des photos montrant un de ses membres en tenue kaki faisant le V de la victoire devant un drapeau kurde.

- Des milliers de peshmergas -

De son côté, Hemin Hawrami, conseiller du président du Kurdistan autonome Massoud Barzani, a assuré sur Twitter que "des milliers de peshmergas lourdement armés" étaient dans la province de Kirkouk avec "pour ordre de se défendre quel qu'en soit le prix".

"L'escalade ne viendra pas de notre part, nous nous défendrons seulement et nous les repousserons s'ils attaquent", a-t-il ajouté.

Les autorités kurdes disent redouter que les forces irakiennes, dont le Hachd, qui n'ont plus qu'une poche à reprendre dans l'ouest à l'EI ne retournent désormais leurs armes contre les peshmergas.

Le Premier ministre du Kurdistan, Netchirvan Barzani, a appelé le grand ayatollah Ali Sistani, plus haut dignitaire chiite du pays, à l'appel duquel le Hachd avait été formé, à s'impliquer pour "éloigner une nouvelle guerre dans la région".

Il a en outre une nouvelle fois appelé au dialogue avec Bagdad, alors qu'autorités kurdes et centrales s'accusent mutuellement d'avoir fermé la porte aux négociations.

Dans la ville même de Kirkouk, les habitants se ruaient avec des bidons d'essence sur les stations-service. Dans les quartiers à majorité kurde, des civils étaient sortis avec des armes.

Erbil affirme que les forces de Bagdad ont l'"intention de s'emparer des champs pétroliers, d'un aéroport et d'une base militaire".

Les autorités centrales étaient en charge des champs pétroliers de Kirkouk jusqu'à ce qu'en 2008, les Kurdes prennent le contrôle de celui de Khormala. Et en 2014, ils se sont également emparés de ceux de Havana et Bay Hassan.

Quant à la base, il s'agit de celle de la 12e division de l'armée irakienne, dont les peshmergas s'étaient emparés en juin 2014 peu après la chute de Mossoul aux mains des jihadistes. L'aéroport est mitoyen.

Les trois champs pétroliers de Kirkouk fournissent 250.000 barils par jour sur les 600.000 b/j de pétrole qu'exporte le Kurdistan irakien en dépit du refus de Bagdad. Si les Kurdes perdaient ces champs, cela constituerait une perte considérable alors qu'ils traversent leur pire crise économique.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.