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Même sans "califat", les jihadistes étrangers en Syrie restent un "danger"


Dimanche 24 mars 2019 à 11h59

Champ pétrolier d'Al-Omar (Syrie), 24 mars 2019 (A — Les "milliers" de jihadistes étrangers et leurs familles retenus en Syrie posent "un danger" malgré la chute du "califat" du groupe Etat islamique (EI), ont averti dimanche les Kurdes syriens, exhortant la communauté internationale à désamorcer cette potentielle bombe à retardement.

Après des mois d'âpres combats, les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance arabo-kurde soutenue par une coalition internationale conduite par les Etats-Unis, ont conquis samedi la dernière poche de l'EI à Baghouz, un village aux confins orientaux de la Syrie, près du fleuve Euphrate.

Cette victoire a signé l'effondrement territorial du "califat" autoproclamé en 2014 par l'organisation jihadiste la plus redoutée au monde sur de vastes territoires à cheval entre la Syrie et l'Irak. L'EI avait été défait en décembre 2017 en Irak.

Dimanche, les FDS continuent de ratisser la bande de terre où les derniers irréductibles de l'EI ont livré un vain baroud d'honneur.

Au cours des six mois d'offensive, plus de 630 civils ont été tués, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Quelque 1.600 jihadistes et 750 combattants des FDS ont également péri.

Des milliers de jihadistes et leurs familles qui avaient trouvé refuge à Baghouz et ses environs au fil des revers infligées à l'EI ces dernières années, se sont aussi rendus aux FDS.

Plus de 66.000 personnes ont quitté cette zone de l'est syrien depuis début janvier dont 5.000 jihadistes et 24.000 membres de leurs familles, selon les derniers chiffres communiqués par les FDS.

Les combattants ont été arrêtés et sont emprisonnés par les Kurdes, qui ont établi une administration semi-autonome dans le nord-est de la Syrie tandis que les non combattants, notamment femmes et enfants, sont retenus pour la plupart dans le camp de déplacés d'Al-Hol.

- Originaires de 54 pays -

Nombre d'entre eux ne cachent pas avoir gardé leur sympathie pour l'idéologie extrémiste de l'EI, malgré les campagnes d'exécutions et les attentats meurtriers revendiqués par l'organisation.

"Nous avons des milliers de combattants, d'enfants et de femmes originaires de 54 pays, sans compter les Syriens et les Irakiens", a souligné le chargé des Affaires étrangères au sein de l'administration semi-autonome kurde, Abdel Karim Omar.

"Il faut qu'il y ait une coordination entre nous et la communauté internationale pour faire face à ce danger", a-t-il martelé, les Kurdes n'ayant pas les moyens de détenir sur le long terme autant de gens, ni de les juger.

Alors que Washington a promis le désengagement de l'écrasante majorité des 2.000 soldats stationnés en Syrie après la fin du "califat" de l'EI, les Kurdes --dont l'administration n'est pas officiellement reconnue par la communauté internationale-- redoutent une offensive de la Turquie voisine contre les territoires qu'ils contrôlent.

Ankara a menacé à de nombreuses reprises d'intervenir contre les milices kurdes qu'elle considère comme "terroristes". Pour l'instant, Washington a promis de maintenir "pour un certain temps" 400 soldats américains dans la zone.

Mais, "toute menace ou toute nouvelle guerre sera une opportunité donnée à ces criminels (jihadistes de l'EI, ndlr) pour s'enfuir des prisons", a mis en garde le haut responsable kurde.

- "Futurs terroristes" -

Outre une fuite des jihadistes combattants emprisonnés, les Kurdes syriens ont mis en garde contre un abandon à leur sort d'enfants ayant baigné dans la violente propagande de l'EI.

Les enfants de jihadistes seraient plus de 3.500, originaires de plus de 30 pays, dans les camps de déplacés, selon l'ONG Save The Children.

"Il y a des milliers d'enfants éduqués selon l'idéologie de l'EI. Si ces enfants ne sont pas rééduqués et réintégrés dans leur société d'origine, ils représentent des futurs terroristes", a mis en garde M. Omar.

Mais la question du rapatriement des jihadistes combattants, et même celle des enfants, divise les pays dont les ressortissants ont rejoint l'EI en Irak ou en Syrie.

Si la France, pays occidental le plus touché par les attentats perpétrés au nom de l'EI, ou la Grande-Bretagne également frappée par des attaques, ont salué la fin du califat, le sujet des rapatriements reste très sensible. Selon un sondage publié fin février, 89% des Français interrogés se disaient "inquiets" d'un éventuel retour des jihadistes adultes.

Quelque 67% étaient favorables à laisser la Syrie et l'Irak prendre en charge les enfants. Mi-mars, Paris a toutefois rapatrié cinq enfants de jihadistes français, "orphelins et isolés".

Outre le "danger" posé par les jihadistes détenus, les cellules dormantes de l'EI aussi bien en Irak et en Syrie sont une "grande menace pour (...) le monde entier", a souligné samedi le commandant en chef des FDS, Mazloum Kobane.

"Ne vous y fiez pas, Daech préserve ses forces", a mis en garde le général Paul LaCamera, commandant des forces de la coalition anti-EI, utilisant un acronyme en arabe de l'EI.

La bataille contre l'EI était l'un des principaux fronts de la guerre aux multiples acteurs ravageant la Syrie depuis plus de huit ans. Le conflit a fait plus de 370.000 morts.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.