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Massoud Barzani, père de l'autonomie des Kurdes d'Irak


Dimanche 29 octobre 2017 à 16h21

Bagdad, 29 oct 2017 (AFP) — Massoud Barzani, qui a renoncé à la présidence du Kurdistan irakien, a été le fondateur de cette région autonome mais est aussi le responsable de sa plus grave crise en jouant, tel un flambeur, son va-tout sur l'indépendance.

A 71 ans, ce descendant d'une illustre famille de combattants pour l'indépendance -il est le fils de Moustafa Barzani, chef historique du mouvement kurde en Irak- doit quitter son poste après avoir cru, et fait croire à ses partisans, que le moment était venu d'établir un Etat kurde dans le nord de l'Irak, malgré les très nombreuses mises en garde internationales.

Il n'a peut-être jamais oublié qu'il est né dans le premier "Etat kurde", l'éphémère République de Mahabad en Iran, qui durera juste un an, car son père y occupa un poste ministériel avant qu'elle soit écrasée par les troupes iraniennes.

Le visage rond et la moustache grise, Massoud Barzani aime porter l'habit kaki des combattants kurdes (peshmergas) assorti d'un keffieh rouge et blanc enroulé sur la tête.

Ce personnage à la fois pragmatique et borné, qui a appris très tôt à manier les armes, succède en 1978 à son père à la tête du Parti démocratique du Kurdistan (PDK).

Mais il voit se dresser devant lui Jalal Talabani, qui a fondé l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et deviendra son rival pour des décennies.

En plein guerre Iran-Irak (1980-1988), les deux partis s'allient avec l'Iran. Le prix à payer sera énorme.

En 1988, Saddam Hussein mène contre les Kurdes irakiens une campagne de répression qui se solde par des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés, des centaines de villages détruits et, surtout, le gazage de Halabja (5.000 morts).

- 'Tache' -

Lors de la première guerre du Golfe (1990), les Kurdes se révoltent et la situation tourne une nouvelle fois en leur défaveur. Le Conseil de sécurité de l'ONU interdit alors à l'aviation irakienne de survoler le 36e parallèle et exige la fin de la répression.

C'est le moment tant espéré par Massoud Barzani, qui va former une entité autonome et partager le pouvoir avec l'UPK de Talabani.

Mais leur rivalité dégénère en guerre civile entre 1994 et 1996. Face à l'avancée de l'UPK, Barzani fait appel sans état d'âme à Saddam Hussein qui repousse les forces de Talabani.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi ne s'est d'ailleurs pas gêné récemment de lui rappeler que ce pacte avec le dictateur était une "tache" sur son CV.

Après la chute de Saddam Hussein en 2003, les Kurdes d'Irak unifient leur administration. À l'issue des premières élections législatives en 2005, le Parlement de la région autonome élit Barzani comme président du Kurdistan irakien.

Il conserve ce poste en 2009 après la première élection présidentielle kurde et l'a occupé jusqu'à aujourd'hui.

- Fortune colossale -

Sous sa présidence, sa famille met la main sur le pouvoir et sur les affaires.

En juillet 2012, il confie à son fils aîné Masrour la direction du Conseil national de sécurité qui va chapeauter les forces de sécurité de la région autonome. Son neveu Nechrivan Barzani devient Premier ministre.

Sa famille est aussi très présente dans les affaires et il est soupçonné d'avoir amassé une fortune colossale. Oasis de paix dans un Irak en guerre, Erbil connaît un développement important jusqu'à la chute des prix du pétrole en 2014.

Grisé par son succès et sachant que son temps à la présidence s'achève, Massoud Barzani parie sur l'indépendance, dont les Kurdes rêvent depuis un siècle.

A un diplomate occidental qui lui demandait de surseoir à son projet, il répond: "Non, j'ai une fenêtre d'opportunité qui ne se reproduira pas. Bagdad est encore faible mais se renforce et après ce sera trop tard".

"Je crois que les pays qui me déconseillent d'aller au référendum me soutiendront après", ajoute-t-il. Lourde erreur.

Le 25 septembre, le "oui" l'emporte massivement au Kurdistan mais, moins de trois semaines plus tard, les troupes irakiennes contraignent les peshmergas à se retirer de zones disputées, notamment de la région pétrolière de Kirkouk et de secteurs qu'ils tenaient depuis plus d'une décennie. L'échec de Barzani est patent.

Pour Mutlu Civiroglu, spécialiste du Kurdistan, le dirigeant kurde a "eu une mauvaise lecture et a mal interprété les messages" notamment américains et turcs, menant à l'isolement des Kurdes sur la scène internationale mais aussi de son propre parti au Kurdistan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.