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Marseille: un adolescent turc d'origine kurde agresse un professeur juif "au nom de Daech"


Lundi 11 janvier 2016 à 18h50

Marseille, 11 jan 2016 (AFP) — Un lycéen turc d'origine kurde, inconnu des services de renseignement, a agressé et blessé lundi dans une rue de Marseille un enseignant juif qui portait la kippa, affirmant lors de son interpellation avoir agi "au nom d'Allah" et du groupe État islamique.

Cet adolescent, qui aura 16 ans dans les prochains jours, a frappé à l'aide d'une machette l'enseignant de 35 ans, qui se rendait au travail vers 09H00.

La victime a d'abord été touchée au dos, puis est tombée. L'adolescent a continué de frapper le professeur qui s'est défendu avec ses pieds et s'est protégé avec la Torah qu'il transportait, a déclaré le procureur de Marseille, Brice Robin, lors d'un point de presse.

L'adolescent avait un regard "particulièrement haineux" et son intention était "de tuer", selon les déclarations de la victime, mais il ne lui a pas parlé, a ajouté M. Robin. La lame de la machette était émoussée, ce qui a pu limiter l'ampleur des blessures, légères, au dos et à une main.

L'agresseur a été interpellé quelques minutes plus tard. Devant les policiers, il "a revendiqué avoir agi ainsi au nom d'Allah et du groupe État islamique" (EI), a précisé le procureur. En Irak et en Syrie, les Kurdes font partie des forces qui luttent contre le groupe EI.

"Il s'agit à l'évidence d'une agression à caractère antisémite", a souligné M. Robin. L'adolescent portait aussi un couteau en céramique qu'il destinait aux policiers et s'en est également pris verbalement à l'armée française qui, selon ses propos, "garde les juifs".

Le président François Hollande a dénoncé un acte "innommable et injustifiable". Adressant "tout son soutien à la victime et à ses proches", il a assuré "la mobilisation des pouvoirs publics pour agir avec la plus grande fermeté contre l'antisémitisme et le racisme".

Une enquête a été ouverte à Marseille "des chefs de tentative d'assassinat aggravé en raison d'une appartenance religieuse" et "apologie du terrorisme". Le parquet antiterroriste de Paris s'est ensuite saisi de l'enquête lundi soir.

Selon les premiers éléments, l'adolescent n'était pas dans le radar des services de renseignement et n'avait pas d'antécédents judiciaires. Sa radicalisation semble être passée inaperçue au sein de sa famille, comme de ses professeurs. Aucun trouble psychologique n'avait non plus été signalé.

"Il maîtrise une certaine dialectique, mais on sent bien que c'est quelqu'un qui ne maîtrise pas complètement les fondements de l'islam", a précisé le directeur adjoint de la sécurité publique, Yannick Bloin.

- 'Bonnes notes au lycée' -

"Il est dans un milieu tout à fait normal et classique, et, en plus, il a de bonnes notes au lycée", a relevé le procureur. Son profil "semble être celui d'une personne radicalisée via internet", même si des investigations plus poussées doivent encore être menées, a-t-il dit.

Le Premier ministre s'est dit "révulsé" par cette agression antisémite et a affiché son "intransigeance" face à ces actes. Samedi soir, à Paris, lors de la cérémonie d'hommage aux victimes de la prise d'otages jihadiste dans le supermarché juif Hyper Cacher, le 9 janvier 2015, Manuel Valls avait souligné "l'angoisse immense" et "légitime" des Français de confession juive, en s'inquiétant de voir certains d'entre eux quitter le pays.

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, a estimé que l'agression commise lundi à Marseille "témoigne du risque pour certains individus isolés pas du tout connus des services de police et de renseignement de passer à l'acte sous l'influence de la propagande, diffusée notamment sur les réseaux internet, par Daech".

L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a regretté que l'agression ait dans un premier temps été présentée comme l'acte d'un "déséquilibré": cela "tend à banaliser ces agressions antisémites, minimiser leur importance et favoriser le passage à l'acte", selon l'UEJF.

Le sénateur-maire (Les Républicains) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, a condamné une "agression intolérable" et appelé, "en ces temps difficiles, les Marseillais au dialogue, au respect de l'identité de la culture et des opinions de chacun".

Cette agression intervient quelques mois après deux autres, assez similaires, dans une ville qui compte, selon le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), quelque 70.000 juifs.

Le 24 octobre, trois juifs et un cantonnier avaient été agressés près d'une synagogue marseillaise, dont un avec un couteau. L'agresseur, fortement alcoolisé et connu des services de police, a été condamné à 4 ans de prison, dont 18 mois avec sursis.

Le 18 novembre, deux agressions avaient eu lieu dans des lieux différents de la ville, celle d'une femme musulmane voilée et celle d'un autre enseignant juif, à l'aide d'un couteau.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.