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Les raids aériens turcs mettent sous pression le président du Kurdistan irakien


Mercredi 5 août 2015 à 09h45

Bagdad, 5 août 2015 (AFP) — Les raids aériens turcs contre la guérilla kurde du PKK dans le Kurdistan irakien ont mis sous pression le président de cette région, Massoud Barzani, dont l'avenir politique demeure incertain à deux semaines de la fin de son mandat.

Agé de 68 ans, le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) préside cette région autonome du nord de l'Irak depuis dix ans.

Son dernier mandat, prolongé de deux ans en 2013, se terminera le 19 août.

Désireux de rester aux commandes, Massoud Barzani se targue d'être un élément incontournable dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) mais les autres partis kurdes irakiens ne semblent pas disposés à lui laisser la voie libre.

"Le PDK nous a demandé de prolonger à nouveau le mandat du président mais nous avons rejeté cette requête et nous devons maintenant trouver une solution", explique Imad Ahmed, un membre du bureau politique de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK).

Rival historique du PDK, l'UPK a été devancé par le nouveau parti Gorran (Changement) qui dispose de six sièges de plus au Parlement régional.

Avec les formations islamistes, ces partis contrôlent au total 59 des 111 sièges dans cet organe chargé d'élire le président.

"Dans un régime démocratique stable, ils voteraient pour la fin du mandat de Barzani mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure", souligne Kirk Sowell, un analyste politique basé en Jordanie et auteur de la lettre d'information "Inside Iraqi Politics" (Au coeur de la politique irakienne).

Massoud Barzani et son clan détiennent toujours des fonctions clés au sein du pouvoir qui leur permettent de contrôler entre autres les services de renseignement et les principaux médias.

A l'approche de la fin du mandat de Barzani et sans solution en vue, les principales factions du Kurdistan sont entrées dans une phase intense de négociations.

- 'Position impossible' -

Dans ce contexte, la campagne de raids aériens lancée par Ankara contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) le mois dernier a placé M. Barzani dans une position inconfortable.

Illégal en Turquie, le PKK opère de longue date depuis les montagnes du Kurdistan irakien mais la récente montée des tensions a conduit M. Barzani à leur conseiller de chercher des bases ailleurs.

"Ces frappes interviennent à un très mauvais moment. Barzani est dans une position impossible car les Kurdes ordinaires soutiennent tous le PKK et il ne peut pas être perçu comme étant contre ce parti", juge M. Sowell.

En même temps, le gouvernement régional et le PDK sont liés de manière inextricable à la Turquie qui a investi des milliards de dollars dans la région.

Le Kurdistan irakien dépend également des Turcs pour exporter son pétrole --quasiment sa seule source de revenus-- par le port de Ceyhan.

"La région est comme une colonie économique de la Turquie", estime M. Sowell.

Bien que les rivaux internes de Barzani aient essayé de tirer profit de ses contradictions, l'analyste Michael Knights, du centre de réflexion Washington Institute, rappelle que les partis kurdes sont capables de séparer les différents sujets de discussion.

"Le clash entre la Turquie et le PKK a été utilisé par l'UPK pour critiquer le clan Barzani mais seulement de manière tactique et opportuniste", ajoute-t-il.

L'UPK plaide ainsi pour un consensus afin de régler la succession à la présidence afin de ne pas rajouter de tensions supplémentaires dans une période de crise.

"A cause de l'entêtement du PDK à ne pas répondre à nos demandes, il risque de ne pas y avoir de consensus", met cependant en garde le porte-parole du parti Gorran, Abdelrazak Ali.

Et d'ajouter: "Je pense que quand le mandat de Barzani prendra fin, il va entrer dans une phase de présidence par intérim jusqu'à ce que la Constitution soit amendée ou qu'une élection anticipée conduise à son remplacement".

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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.