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Les peshmergas en route vers Mossoul pour en finir avec "l'occupation de l'EI"


Jeudi 20 octobre 2016 à 11h44

Cheikh Ali (Irak), 20 oct 2016 (AFP) — "A 4 km d'ici, au bout de la route, il y a ma maison, et même ma voiture", affirme Omran, en pointant au loin la ville irakienne de Bachiqa, d'où s'échappent des colonnes de fumée noire.

Avec des centaines d'autres peshmergas, en treillis et kalashnikov à l'épaule, il espère aujourd'hui reprendre sa ville aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Depuis la nuit où il a dû fuir précipitamment sa maison, en emmenant ses quatre enfants "et rien d'autre", ce Kurde a trouvé refuge plus à l'est, vers Erbil, la capitale de la province autonome du Kurdistan. Là-bas, il s'est engagé au sein des peshmergas, les combattants kurdes.

Et aujourd'hui, promet Omran Lass, 33 ans, "les Kurdes vont reprendre chaque centimètre de leur terre".

"On peut mourir pour cette région, on a résisté à toutes les occupations, celle (du président défunt) Saddam Hussein, celles d'autres, et maintenant celle de l'EI", énumère-t-il.

Il se dit décidé à en découdre alors que des centaines de peshmergas ont entamé jeudi matin une offensive vers Bachiqa, à 25 kilomètres du centre de Mossoul, la grande ville du "califat" désormais dans le viseur des forces irakiennes, appuyées par des avions de la coalition internationale et conseillées par des militaires étrangers.

- Treillis dépareillés -

Mais le problème, glisse Omran dans un éclat de rire, c'est qu'"on ne trouve personne pour se battre contre nous". "Les hommes de l'EI ne viennent jamais au corps à corps, ils tirent des mortiers de loin en loin et c'est tout", assure l'homme, le visage buriné par le soleil et mangé par une courte barbe noire et drue.

Effectivement, sur la longue route qui serpente au milieu des étendues rocailleuses à peine couvertes par une maigre végétation jaunie par le soleil, quelques rares explosions résonnent de temps à autre. Ici, c'est un mortier tiré en direction de Cheikh Ali, où sont postés les peshmergas.

Peu après, les combattants kurdes répliquent. Sur une colline qui surplombe la route, après avoir astiqué un lance-roquette installé sur un petit blindé, l'un d'eux introduit quatre projectiles.

Ils sont ensuite tirés, après de savants calculs d'angles gribouillés sur un carnet, dans un nuage de poussière qui recouvre les dizaines de combattants postés aux alentours, portables en main pour filmer ces tirs.

En contrebas, la cohorte de pick-up et de voitures transportant des peshmergas s'allonge. La foule des combattants est bigarrée. Ici, la bedaine de l'un tend un costume traditionnel --pantalon bouffant tenu à la ceinture par un foulard--; là, un jeune parade dans un uniforme militaire et des chaussures de randonnée.

Certains portent le turban, d'autres un béret militaire. Les treillis sont dépareillés, les camouflages différents. Tous ont en main un téléphone portable, qu'ils dégainent régulièrement pour se photographier.

Portée négligemment à l'épaule ou vissée dans la main, la kalashnikov est l'unique instrument qu'ils ont tous en commun. Certains, toutefois, arborent fièrement un fusil automatique M-16 noir, plus moderne.

- 'Avancée rapide' -

Chafiq Bradosti, lui, a même des jumelles autour du cou et des lunettes de soleil opaques. A 32 ans, ce Kurde s'est porté volontaire pour participer à l'offensive lancée lundi pour reprendre Mossoul. Il a quitté son étude de notaire temporairement pour débarrasser "chaque empan de terre kurde des terroristes".

"C'est un jour important pour moi, je suis fier d'être parmi les peshmergas pour libérer cette terre de l'EI", lance-t-il à l'AFP.

Une libération qui sera "extrêmement rapide", s'enthousiasme déjà Salim al-Shabake, député irakien, qui pour l'occasion a revêtu l'uniforme militaire. Derrière sa moustache, l'homme arbore un grand sourire quand il évoque "le moral très haut des peshmergas" et leur "avancée rapide et très réjouissante".

Difficile pourtant de constater cette avancée sur le terrain, où la progression est millimétrée tant le danger des mines et des bombes disséminées par l'EI est présent dans les esprits. La route vers Mossoul, ont déjà prévenu responsables irakiens et étrangers, sera longue et difficile.

Aujourd'hui encore, les peshmergas font preuve de patience. Les bombardements aériens de la coalition qui résonnent au loin ne sont que la première étape. Leur rôle viendra ensuite, quand il faudra entrer dans Bachiqa et les villages alentours. Pour le moment, ils s'en rapprochent depuis trois fronts différents.

Alors, explique Hussein Zaiar Ali, membre du conseil régional de la province de Ninive, où se trouvent Bachiqa et Mossoul, il faudra s'occuper des civils piégés depuis des mois. "Nous avons pris des mesures pour accueillir les déplacés, 13 camps sont prêts", dit-il. Et à Bachiqa même, le Conseil a pris ses dispositions pour "assurer des services aux habitants à la libération", explique-t-il à l'AFP.

Omran et les autres, en revanche, assurent qu'ils ne s'arrêteront pas là. "On défendra le Kurdistan, et tout l'Irak", jure Omran.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.