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Les Kurdes de Syrie crient leur colère contre la Turquie lors de funérailles


Lundi 29 janvier 2018 à 18h29

Afrine (Syrie), 29 jan 2018 (AFP) — Des centaines de Kurdes syriens ont crié leur colère lundi dans la ville d'Afrine contre le président turc Recep Tayyip Erdogan, lors des funérailles de victimes de l'offensive turque contre cette région du nord-ouest de la Syrie en guerre.

"A bas Erdogan", a scandé la foule venue assister à l'enterrement de 16 combattants et huit civils, tués lors des raids aériens menés par Ankara ou sur le champ de bataille.

Civils et combattants s'étaient relayés pour porter les cercueils des 24 victimes, recouverts pour certains du drapeau kurde, du principal hôpital d'Afrine vers le cimetière, accompagnés par les cris de colère et les pleurs des proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

La Turquie mène, depuis le 20 janvier, une offensive dans la région d'Afrine, située à sa frontière avec la Syrie, pour en chasser la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considéré comme "terroriste" par Ankara, mais précieux allié de Washington dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Au moins 14 personnes, dont cinq enfants, ont péri dimanche dans les frappes aériennes turques qui visent toute la région, a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), portant à 55 le bilan des civils tués depuis le début de l'offensive.

En réaction à l'opération militaire d'Ankara, les autorités semi-autonomes kurdes ont indiqué qu'elles ne participeraient pas à des pourparlers sur le conflit syrien, organisés mardi par Moscou dans la station balnéaire de Sotchi (sud de la Russie).

Lundi à Afrine, "les frappes aériennes turques se sont intensifiées, avec la poursuite des tirs d'artillerie" dans le nord et l'ouest de cette région, a indiqué l'OSDH, une ONG disposant d'un vaste réseau de sources dans la Syrie en guerre.

- Colline stratégique -

Depuis le début de l'opération, les forces turques et les rebelles syriens qui leur sont alliés ont pris le contrôle de huit localités le long de la frontière, selon l'OSDH.

Evoquée depuis plusieurs mois, l'intervention turque à Afrine a été précipitée par l'annonce de la création d'une "force frontalière" incluant notamment des YPG, et parrainée par la coalition internationale antijihadistes emmenée par Washington.

Ankara n'a jamais accepté l'autonomie de facto établie par les Kurdes dans le nord de la Syrie à la faveur du conflit qui ravage ce pays depuis 2011, craignant de voir sa propre communauté kurde développer des aspirations similaires.

L'armée turque avait pris dimanche une colline stratégique située dans le nord-est d'Afrine, le Mont Barsaya, qui domine la région syrienne d'Azaz et celle turque de Kilis.

Lundi, les forces turques fortifiaient leurs positions sur cette colline, érigeant des barricades de terre autour de leurs chars et de leurs blindés, tandis que des opérations de déminages étaient en cours, a constaté un autre correspondant de l'AFP.

Le secteur a reçu la visite du général turc Ismaïl Metin Temel, qui dirige l'offensive contre Afrine, a précisé ce correspondant.

- 'Fin douloureuse' -

Malgré les tensions croissantes entre la Turquie et les Etats-Unis, deux alliés au sein de l'Otan, le président Erdogan s'est dit dimanche résolu à élargir l'offensive vers l'est, notamment à la ville de Minbej tenue par les Kurdes, où Washington a déployé des militaires. "La frontière (syrienne) sera nettoyée", a-t-il déclaré.

Ignorant les appels de l'Otan et des Etats-Unis à la "retenue", Ankara a même sommé samedi les Etats-Unis de retirer leurs militaires déployés à Minbej.

Dans une tribune publiée par le quotidien américain The New York Times, le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a reproché aux Etats-Unis "d'armer une organisation terroriste qui attaque" la Turquie, en référence aux YPG.

En Turquie, les autorités ont annoncé lundi avoir arrêté depuis le 20 janvier 311 personnes soupçonnées d'avoir fait de la "propagande terroriste" sur les réseaux sociaux contre l'offensive d'Ankara.

Le Parquet d'Ankara a également ouvert une enquête contre l'Union des médecins de Turquie qui avait implicitement critiqué l'offensive et les risques qu'elle posait "pour la santé publique".

Depuis le 20 janvier, les combats ont coûté la vie à sept soldats turcs, selon Ankara, tandis que 76 rebelles pro-turcs et 78 combattants kurdes ont été tués dans les affrontements, d'après l'OSDH.

Plusieurs pays, dont l'Allemagne et la France, ainsi que l'Union européenne, ont exprimé leur préoccupation face à cette intervention qui complique davantage encore la situation en Syrie, où la guerre a fait plus de 340.000 morts depuis 2011.

Non loin d'Afrine, dans la province voisine d'Idleb (nord-ouest), 38 civils ont péri dimanche et lundi dans des frappes aériennes du régime de Bachar al-Assad visant plusieurs localités, notamment celle de Saraqeb, selon l'OSDH.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.