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Le référendum divise les deux grandes villes du Kurdistan irakien


Mardi 19 septembre 2017 à 09h31

Erbil (Irak), 19 sept 2017 (AFP) — La quasi-totalité des Kurdes d'Irak rêve de l'indépendance de leur région autonome mais le référendum du 25 septembre divise. L'enthousiasme est général dans la capitale Erbil mais à Souleimaniyeh, sa rivale, beaucoup sont vent debout contre cette consultation.

Dans les rues d'Erbil, les couleurs du drapeau kurde -rouge, vert, blanc- sont omniprésentes. Certains, particulièrement enthousiastes, ont peint leur voiture de ces tonalités et d'autres ont même changé leur plaque d'immatriculation en remplaçant "Irak" par "Kurdistan".

La grande majorité du million d'habitants de cette ville, fief du président kurde Massoud Barzani, affirme que l'indépendance est légitime et regrette même que cette consultation arrive si tard.

Le Kurdistan irakien bénéficie depuis 1991, après la guerre du Golfe, d'un statut d'autonomie qui frise l'indépendance, avec ses propres institutions, son propre budget, son Parlement.

Pour Hoshyar Zebari, ancien ministre irakien des Affaires étrangères et proche du président kurde à l'initiative du référendum, le scrutin aura bien lieu.

"Il s'agit de soutenir le désir du peuple kurde de décider de son avenir", affirme-t-il à l'AFP.

Ce scrutin inquiète les pays voisins, comme la Turquie ou l'Iran, qui redoutent qu'il n'encourage les velléités séparatistes de leurs minorités kurdes, et a suscité l'ire du gouvernement central à Bagdad qui y voit une "violation de la Constitution".

- 'suicide politique' -

Le Parlement fédéral a voté la semaine dernière contre cette initiative "pour protéger l'unité de l'Irak". Les députés kurdes ont quitté la salle en signe de protestation. Lundi, la Cour suprême irakienne a ordonné la suspension du scrutin.

Mais pour M. Zebari, il est hors de question de reporter la consultation car cela représenterait un "suicide politique" pour le Kurdistan.

Toutefois, nuance-t-il, "si l'indépendance est un impératif, ceci ne veut pas dire que l'Etat sera proclamé le lendemain car il faudra le construire tout en continuant les négociations avec Bagdad".

Abdel Hakim Khasro, professeur de Sciences politiques à l'université Salahedinne d'Erbil, estime qu'il n'y a pas d'obstacles juridiques ni constitutionnels à la tenue du scrutin.

En tout cas, à Erbil, rares sont les voix qui émettent des critiques contre le référendum, même si certains reconnaissent que la région autonome connaît une récession sans précédent.

"Ce n'est pas une raison pour ne pas aller vers notre État. Certains pays ont réussi à obtenir leur indépendance au plus fort de leur marasme économique et ont pu régler la crise après", assure Berwar Aziz, vendeur de foulards dans un magasin près de la citadelle d'Erbil.

"Je voterai +Oui+ avec mes dix doigts", ajoute le jeune homme de 23 ans en souriant. Comme la plupart des habitants de la cité, il ne semble pas se poser de questions sur les conséquences que pourrait entraîner ce vote même si le puisant voisin turc a averti que ce référendum aurait "un prix".

- 'Mascarade' -

"Nous ne cherchons pas la provocation et le fait que certains Kurdes rejettent cette consultation est le signe que la démocratie existe dans notre région", assure Sirwan Ahmad, 43 ans, vendeur de journaux près du vieux marché d'Erbil.

Mais à 150 km de là, à Souleimaniyeh, l'ambiance est totalement différente. Rien dans la seconde ville du Kurdistan, tenue par les rivaux de Massoud Barzani, ne mentionne cette consultation populaire. Les habitants estiment que c'est un non-événement inopportun, même s'ils affichent leur attachement à l'indépendance.

"Pourquoi organiser un référendum alors que les bases mêmes pour mettre en place un État n'existent pas?", assure Rizkar Abdel Qader, un professeur de 46 ans.

"Nos responsables feraient mieux d'améliorer le niveau de vie et le quotidien des citoyens avant d'appeler à la création d'un Etat", soutient-il.

Dans cette ville qui a toujours été rebelle à l'autorité d'Erbil, si tous les partis ont appelé à voter en faveur du référendum, certains sont tout de même mécontents.

"Cela a été décidé par un parti (le Parti démocratique kurde -PDK- de Massoud Barzani, ndlr). Un Etat ne naît pas d'une annonce mais doit être construit par la mise en place d'infrastructures économiques solides", peste un responsable du parti Goran, Chorech Haji.

Membre du mouvement pour le "Non" au référendum, Ismaïl Galali, ne mâche pas ses mots.

"L'indépendance est un droit pour tous les peuples mais ce qui se passe actuellement est une mascarade et aboutira à un émirat rétrograde", dit-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.