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Le Parlement d'Irak hostile au référendum sur l'indépendance du Kurdistan


Mardi 12 septembre 2017 à 19h26

Bagdad, 12 sept 2017 (AFP) — Le Parlement irakien a exprimé mardi son opposition catégorique au référendum sur l'indépendance du Kurdistan, à moins de deux semaines de la tenue de cette consultation à l'origine de remous dans la région.

De son côté, le Parlement du Kurdistan, qui n'a pas siégé depuis plus de deux ans, a annoncé qu'il se réunirait jeudi pour voter en faveur du référendum annoncé en juin par le président de la région autonome Massoud Barzani.

La consultation est prévue le 25 septembre dans cette région du nord de l'Irak qui bénéficie depuis 1991 d'une autonomie qui s'est élargie au fil des ans.

Mais les responsables kurdes ont affirmé qu'une victoire du "oui" n'entraînerait pas aussitôt l'annonce de l'indépendance mais leur permettrait de lancer, en position de force, de nouvelles négociations avec le pouvoir à Bagdad.

M. Barzani a répété mardi avoir organisé ce référendum parce que "toutes les autres tentatives avaient échoué" à garantir les droits des Kurdes, durement réprimés par le régime de Saddam Hussein, déchu en 2003 lors de l'invasion américaine de l'Irak.

Les députés du gouvernement fédéral à Bagdad ont voté contre ce référendum et leur président Salim al-Joubouri a expliqué que le Parlement avait agi dans l'intérêt de "l'unité du territoire et du peuple irakiens".

A l'issue du vote, ajouté à l'ordre du jour à la demande de 80 députés, les parlementaires kurdes ont quitté les lieux en signe de protestation.

- Appétits -

Les autorités fédérales n'ont cessé de répéter ces derniers mois que la consultation était contraire à la Constitution.

"La politique visant à imposer des faits accomplis ne marchera pas", a indiqué le Premier ministre Haider al-Abadi. "Nous ne permettrons pas la partition de l'Irak".

Selon M. Joubouri, le vote du Parlement "impose au Premier ministre de prendre toutes les mesures pour protéger l'unité de l'Irak et d'entamer un dialogue sérieux" avec Erbil. Mais aucune de ces mesures n'a été précisée.

Les 5,5 millions de Kurdes irakiens eux-mêmes sont divisés sur la question du référendum. Si tous adhèrent au rêve d'un Etat kurde, de nombreuses voix s'élèvent pour questionner l'opportunité du calendrier de M. Barzani.

Certaines estiment qu'il pourrait être un obstacle à la lutte contre les jihadistes, menée depuis 2014 conjointement par les forces fédérales et les combattants kurdes (peshmergas).

La prochaine échéance annoncée par le pouvoir central est la reprise de Hawija, l'un des deux derniers bastions du groupe Etat islamique (EI) en Irak, qui se trouve dans la province de Kirkouk.

L'organisation d'un tel référendum a suscité une levée de boucliers de Washington, de capitales européennes et surtout de la Turquie et de l'Iran voisins, qui craignent qu'un tel processus n'attise les appétits séparatistes de leurs propres minorités kurdes.

Plusieurs pays ont plaidé pour l'annulation du référendum, proposant plutôt de jouer les médiateurs entre Erbil, la capitale du Kurdistan, et Bagdad pour régler les différends sans toucher à l'intégrité territoriale de l'Irak.

- 'Garanties' -

Des responsables turcs ont fait cette proposition de façon officielle, tandis que l'Iran l'a formulée de façon informelle en envoyant des diplomates rencontrer notamment M. Barzani, a indiqué à l'AFP un responsable politique kurde sous le couvert de l'anonymat.

Mais M. Barzani a déjà prévenu: il veut des "garanties" et des "alternatives" pour repousser ou annuler le référendum.

"Il n'existe aucun obstacle" légal ou constitutionnel qui pourrait forcer Erbil à renoncer à son projet, affirme le politologue Abdelhakim Khasro.

Mais les pays voisins "ont intérêt à bloquer" le processus, dit-il. De même que Bagdad, qui cherche à "affaiblir le Kurdistan", avec lequel il mène depuis des années un bras de fer notamment sur des questions de répartition des richesses, en particulier pétrolières.

Ce rendez-vous électoral s'annonce également sensible car la province de Kirkouk, zone pétrolière disputée au nord de Bagdad et rattachée au gouvernement fédéral, a décidé d'y participer contre l'avis du pouvoir central.

Il a en outre aiguisé les tensions dans cette région où coexistent diverses communautés, notamment arabes et turkmènes, et où de nombreux peshmergas sont déployés, de même que des unités paramilitaires chiites et sunnites.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.