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La Turquie, secouée par les violences, se cherche un gouvernement


Jeudi 13 août 2015 à 11h42

Ankara, 13 août 2015 (AFP) — Le parti islamo-conservateur au pouvoir et les sociaux démocrates tiennent une réunion décisive jeudi pour tenter de former un gouvernement de coalition, faute de quoi la Turquie engagée dans un cycle de violences devra organiser des élections anticipées.

Le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu et le chef des sociaux-démocrates au Parlement, Kemal Kiliçdaroglu, s'entretiendront à partir de 11H00 GMT dans un bâtiment emblématique de la République turque située dans le vieux quartier de la capitale, Ankara Palas, maison d'hôte officielle de l'Etat.

Depuis les élections du 7 juin, la Turquie est à la recherche d'un gouvernement: le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan, qui règne sans partage sur le pays depuis 2002, a perdu sa majorité gouvernementale et a été contraint de se chercher un allié.

Seul le parti républicain du peuple (CHP), principal mouvement d'opposition au Parlement, a donné une réponse favorable au Premier ministre sortant et leurs deux formations négocient depuis le 13 juillet, sans parvenir à des résultats tangibles.

Les Kurdes du parti démocratique des peuples (HDP) et les nationalistes du parti de l'Action nationaliste (MHP) ont d'emblée dit non à toute alliance avec l'AKP.

De l'avis de la presse locale, l'idée de la convocation en novembre d'élections anticipées chemine au sein de l'AKP, la direction du mouvement étant encouragée par les récents sondages qui lui donnent entre 42 et 43% des voix (40% en juin), ce qui lui permettrait de former seul un gouvernement.

"Notre chef (Davutoglu) va déployer des efforts pour une issue favorable à ces tractations, il faut que tout le monde sache que nous sommes sincères", a déclaré tard mercredi le porte-parole de l'AKP, Besir Atalay, au terme d'une longue réunion des instances dirigeantes du parti.

- Un nouveau scrutin en vue -

En cas d'échec des négociations, le chef de l'Etat, qui a en principe jusqu'au 23 août pour trancher, devrait convoquer un nouveau scrutin.

M. Erdogan, le véritable maître de la Turquie, passe pour être favorable à de nouvelles élections qui permettrait à l'AKP de retrouver une majorité pour réaliser sa vieille ambition de présidentialiser le système traditionnellement parlementaire turc.

Et selon ses détracteurs, la campagne militaire lancée en juillet contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est turc et le nord de l'Irak, parallèlement à l'offensive contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie, auraient remobilisé l'électoral nationaliste.

"Le président est absolument contre toute coalition, il veut immédiatement un nouveau vote (...) Dès le lendemain des élections (7 juin) il n'a pensé qu'à organiser un scrutin", a commenté Mehmet Yilmaz, éditorialiste au journal Hürriyet.

Une volonté que le président turc a à peine cachée mercredi.

"Le Premier ministre Ahmet Davutoglu, que j'ai mandaté pour former le gouvernement, peut prendre des mesures en vue de nouvelles élections ou pour former une coalition", a-t-il dit. "Cependant, si les deux partis ne peuvent pas s'entendre, ce ne sera pas la fin du monde".

Parallèlement à la crise politique, le pouvoir turc a lancé le 24 juillet une "guerre contre le terrorisme", avec des raids aériens meurtriers contre les bases des rebelles kurdes, qui mènent pour leur part des attaques quotidiennes contre les forces de sécurité.

Et pour la première fois, des F-16 américains déployés depuis moins d'une semaine sur la base turque d'Incirlik (sud), en vertu d'un accord entre les deux alliés de l'Otan, ont bombardé mercredi des positions du groupe Etat Islamique (EI) en Syrie.

La Turquie avait jusqu'à récemment refusé de participer aux opérations de la coalition contre l'EI, de peur de favoriser l'action des Kurdes de Syrie combattant les jihadistes à proximité de sa frontière.

Mais l'attentat survenu le 20 juillet à Suruç (sud), qui a fait 32 morts civils et attribué à l'EI, a changé la donne et contraint Ankara à faire volte-face.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.