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La Turquie se cherche un gouvernement de transition, avec les Kurdes alliés et ennemis


Mardi 25 août 2015 à 20h46

Ankara, 25 août 2015 (AFP) — Le Premier ministre turc a la tâche difficile de former un gouvernement de transition avant les législatives anticipées du 1er novembre, seul un parti prokurde acceptant de s'y associer au moment où Ankara est en guerre contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a décidé de la tenue de ce scrutin, a chargé mardi le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, "de constituer le conseil des ministres intérimaire".

M. Davutoglu a cinq jours pour parvenir à former cette équipe qui sera aux commandes du pays jusqu'aux législatives anticipées, dont la date a été fixée au mardi au 1er novembre par le Haut Conseil électoral.

"Nous ne devons pas donner l'impression que la Turquie traverse une crise politique", s'est inquiété auprès des journalistes Ahmet Davutoglu, à l'issue de sa rencontre avec le président turc.

Cette situation est sans précédent dans l'histoire récente de la Turquie, plongée dans une grave impasse politique depuis les législatives du 7 juin.

L'AKP, la formation islamo-conservatrice de M. Erdogan, qui règne sans partage depuis 13 ans, a alors subi un revers électoral en perdant sa majorité absolue, le contraignant à des pourparlers avec les deux principaux partis d'opposition. En vain.

Les sociaux-démocrates (CHP, deuxième force au Parlement) et les nationalistes (MHP, troisième) ne sont pas parvenus à s'entendre pour participer à une coalition gouvernementale.

Le président turc avait précisé son intention de convoquer un nouveau vote pour sortir le pays de cette impasse politique dès la semaine dernière.

Le gouvernement de transition peut être constitué de députés du Parti de la justice et du développement (AKP), des membres des partis d'opposition mais aussi de personnalités "indépendantes", technocrates ou anciens de l'AKP.

Or, le CHP et le MHP ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils ne participeraient pas à un gouvernement de transition.

Contrairement aux autres partis d'opposition, le Parti démocratique du peuple (HDP, prokurde) a lui annoncé, par la voix de son chef Selahattin Demirtas, qu'il acceptait de s'y associer.

- Un 'cauchemar' -

"C'est l'occasion de participer à un gouvernement et de faire du HDP un véritable parti d'opposition", a commenté un membre du parti prokurde, qui souhaite garder l'anonymat, auprès de l'AFP.

Mais pour Selahattin Dermirtas, il ne serait "pas surprenant" que l'AKP tente de former un gouvernement sans le HDP, selon des propos rapportés par l'agence de presse Dogan.

Le président turc et son Premier ministre ont à tour de rôle accusé ces dernières semaines le HDP d'être le bras politique illicite de la rébellion kurde du PKK.

"Le cauchemar devient réalité : l'AKP et le HDP sont seuls" pour former un gouvernement, a commenté de son côté l'éditorialiste du journal libéral Radikal Murat Yetkin.

"Ni le président Recep Tayyip Erdogan ni le Premier ministre Ahmet Davutoglu n'auraient voulu se diriger vers un nouveau scrutin en formant un gouvernement avec le HDP", a-t-il ajouté.

"Rien ne sera facile" pour l'AKP, prédit Murat Yetkin : "Le MHP va sans doute utiliser cette alliance avec le HDP contre l'AKP au cours de la prochaine campagne électorale".

Une alliance entre le parti islamo-conservateur et le parti prokurde du HDP serait inédite dans un pays où les affrontements sont désormais quotidiens entre l'armée et les rebelles kurdes du PKK.

La Turquie a en effet lancé une "guerre contre le terrorisme" le 24 juillet, à la suite d'un attentat suicide survenu à Suruç (sud) dans lequel 33 jeunes partisans de la cause kurde sont morts.

L'offensive turque vise l'organisation Etat islamique (EI), à qui l'attentat a été attribué, et la rébellion kurde.

Dans les faits, l'aviation turque cible essentiellement les positions en Irak et en Syrie du PKK, qui en réponse a rompu un cessez-le-feu en vigueur avec Ankara depuis 2012.

Depuis le début de l'offensive, plus de 60 membres des forces de sécurité turques sont morts dans des attaques revendiquées ou attribuées au PKK, et plus de 900 combattants ont été tués selon l'agence officielle Anatolie. Des chiffres qui restent toutefois difficiles à vérifier.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.