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La Turquie fait de l'EI le suspect numéro 1 de l'attentat meurtrier d'Ankara


Lundi 12 octobre 2015 à 17h15

Ankara, 12 oct 2015 (AFP) — Les autorités turques ont désigné lundi le groupe Etat islamique (EI) comme le suspect numéro 1 de l'attentat suicide d'Ankara, qui a tué au moins 97 personnes et suscité un nouveau vent de fronde contre le régime du président Recep Tayyip Erdogan.

Deux jours après l'attaque la plus meurtrière commise en Turquie, le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu a également confirmé que, malgré le choc et les tensions, les élections législatives anticipées auraient bien lieu le 1er novembre.

"Si l'on regarde la manière dont a été commise cette attaque, nous considérons les investigations sur Daech (l'acronyme arabe de l'EI) comme notre priorité", a déclaré M. Davutoglu sur la chaîne d'information NTV.

"Nous avons le nom d'une personne qui nous oriente vers une organisation", a-t-il ajouté.

Samedi matin, deux kamikazes se sont fait exploser devant la gare centrale de la capitale turque, au milieu de milliers de militants venus de tout le pays à l'appel de plusieurs syndicats, ONG et partis de gauche favorables à la cause kurde pour une manifestation contre la reprise des combats entre l'armée turque et les rebelles kurdes.

Le dernier bilan, encore provisoire, publié par les autorités fait état de 97 morts et 507 blessés, dont 65 dans un état grave.

S'il a privilégié la piste jihadiste, M. Davutoglu n'a toutefois pas exclu l'hypothèse d'une attaque des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou du Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) d'extrême gauche, qu'il a encore présentés comme des "suspects potentiels".

Selon la presse turque, les enquêteurs sont persuadés que les engins qui ont explosé à Ankara sont du même type que celui utilisé lors de l'attentat de Suruç (sud) en juillet.

- Revirement -

Jamais revendiquée, cette opération, qui a tué 34 militants de la cause kurde, avait été attribuée par les autorités turques au groupe EI.

Ennemie jurée du président syrien Bachar al-Assad, la Turquie a été longtemps accusée par ses alliés de complaisance vis-à-vis des jihadistes qui le combattent. Après l'attentat de Suruç, elle a opéré un revirement en menant quelques raids aériens contre l'EI, qui l'a ouvertement menacé de représailles.

La chancelière allemande Angela Merkel se rendra dimanche dans la capitale turque pour parler de "lutte commune contre le terrorisme", selon son porte-parole Steffen Seibert.

A moins de trois semaines du scrutin législatif, l'attentat d'Ankara a relancé la colère contre l'homme fort du pays, encore conspué lundi aux cris de "Erdogan assassin" dans plusieurs manifestations syndicales.

"Nous avons perdu de nombreux amis. Beaucoup d'autres sont encore blessés", a déclaré à l'AFP un syndicaliste, Vassaf Turgut, 38 ans, qui défilait dans les rues d'Ankara. "Mais il faut que le gouvernement sache que nous ne reculerons pas", a-t-il ajouté.

Le principal parti prokurde du pays, le Parti démocratique des peuples (HDP), accuse M. Erdogan de ne pas avoir, délibérément, assuré la sécurité de la manifestation.

M. Davutoglu a démenti ces allégations. "On ne peut pas parler d'une défaillance générale", a-t-il assuré, reconnaissant l'éventualité "d'erreurs individuelles".

Dans un climat très tendu, le chef du gouvernement a confirmé la tenue du scrutin législatif le 1er novembre. "Quelles que soient les circonstances, les élections auront lieu", a-t-il promis, "cette attaque ne va pas transformer la Turquie en Syrie".

- 'Calcul' électoral -

Le porte-parole de son parti, Ömer Celik, a annoncé lundi la suspension jusqu'à vendredi de ses réunions électorales, qui deviendront ensuite des "meetings antiterroristes".

Le parti d'opposition social-démocrate CHP a lui aussi mis sa campagne entre parenthèses jusqu'à jeudi, alors que le chef de file du HDP, Selahattin Demirtas, a envisagé de renoncer à ses meetings "dans ce climat douloureux".

Depuis des semaines, M. Erdogan dénonce avec virulence la "complicité" du HDP avec les "terroristes" du PKK. L'opposition l'accuse en retour de mettre de l'huile sur le feu du conflit kurde, avec l'espoir d'attirer à lui l'électorat nationaliste.

Dans un entretien accordé au quotidien italien La Repubblica, le prix Nobel de littérature turc Orhan Pamuk a dénoncé ce "calcul".

Le 7 juin, le parti de l'homme fort de la Turquie a perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans, notamment en raison du bon score réalisé par le HDP. Il espère inverser ces résultats le 1er novembre.

La campagne électorale se déroule alors que de violents affrontements ont repris depuis la fin juillet entre les forces de sécurité turques et les rebelles du PKK, qui accusent le gouvernement turc de collaborer avec les jihadistes contre lui.

Cette escalade de la violence a fait voler en éclats les discussions de paix engagées pour tenter de mettre un terme au conflit kurde, qui a fait 40.000 morts depuis 1984.

Le PKK a toutefois annoncé samedi, quelques heures après l'attentat d'Ankara, la suspension de ses opérations avant les élections, sauf cas de "légitime défense".

Malgré cette trêve unilatérale, deux gendarmes ont été tués dimanche lors d'un accrochage dans la province d'Erzurum (nord-est) et l'aviation turque a mené plusieurs frappes aériennes contre des cibles "terroristes".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.