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La rage des manifestants intacte au Kurdistan d'Irak, déploiement policier


Mercredi 20 decembre 2017 à 14h16

Souleimaniyeh (Irak), 20 déc 2017 (AFP) — La rage des manifestants contre les partis au Kurdistan d'Irak, accusés de corruption et d'impéritie, était mercredi toujours aussi vive en dépit du déploiement massif des forces de sécurité.

Dans la province de Souleimaniyeh, des protestataires ont mis le feu aux sièges de Goran et de deux formations plus modestes, le Parti social-démocrate et le Parti communiste du Kurdistan, dans la localité de Rania, sans que les gardes n'interviennent, et dans celle de Qalat Diza, selon des témoins.

La veille, les affrontements entre manifestants et policiers dans cette province ont coûté la vie à cinq protestataires atteints par balles, et fait plus de 70 blessés.

Face à cette crise sans précédent, le parti Goran (10 ministres) et celui du Groupe islamique (deux ministres), ont annoncé leur retrait du gouvernement régional de Nechervan Barzani qui compte 21 membres.

Depuis le début des émeutes lundi, au moins quinze sièges de partis politiques ont été incendiés ainsi qu'une mairie, les manifestants accusant le gouvernement de corruption et appelant à sa chute.

"Nous brûlons les sièges des partis car ils font partie du gouvernement et sont responsables des souffrances économique et politique qu'endure le peuple kurde", a affirmé à l'AFP un activiste de Souleimaniyeh, qui a refusé d'être identifié pour des raisons de sécurité.

"Les citoyens kurdes veulent montrer qu'ils sont désespérés par l'action de tous les partis qui ont mené le Kurdistan à la faillite", a-t-il ajouté.

- Magasins fermés -

Pour tenter de prévenir des heurts, des véhicules de police montées de mitrailleuses, des policiers anti-émeutes et des camions à canon d'eau ont pris position aux principaux carrefours de Souleimaniyeh, chef-lieu de la province du même nom.

De nombreux magasins étaient fermés près de la place du Sérail, au centre-ville, où se sont rassemblés ces deux derniers jours des milliers de manifestants.

Selon des protestataires, plusieurs personnes on été arrêtées.

Des forces de sécurité étaient également déployées dans d'autres localités de la province de Souleimaniyeh.

La région autonome, qui affichait il y a peu encore sa fierté pour sa richesse et sa stabilité pendant que le reste de l'Irak sombrait dans le chaos, se trouve aujourd'hui dans une situation dramatique.

Le référendum d'indépendance du 25 septembre initié par l'ex-président Massoud Barzani, mais rejeté avec force par le pouvoir central à Bagdad et la communauté internationale, s'est terminé en fiasco malgré la massive victoire du Oui.

Après son pari raté d'obtenir l'indépendance qui a conduit à la perte de presque tous les territoires que les Kurdes disputent au pouvoir central, Massoud Barzani a quitté la présidence du Kurdistan en novembre.

Le Parlement kurde a ensuite effectué une répartition provisoire de ses pouvoirs d'ici l'élection présidentielle, dont la date n'est pas encore fixée.

- 'Sentiment de trahison' -

Depuis la chute des cours du pétrole en 2014, la région était criblée de dettes mais le coup de massue a eu lieu lorsque, après le referendum, les forces du pouvoir central se sont emparées des zones disputées, dont la riche province pétrolière de Kirkouk.

Résultat, le Kurdistan a perdu la moitié de sa production.

Le pouvoir central a en outre fermé après le référendum l'espace aérien international pour les liaisons avec les deux aéroports du Kurdistan et beaucoup de compagnies privées kurdes et étrangères ont fermé leurs portes.

Selon des habitants à Erbil, la capitale du Kurdistan, les salaires ont été amputés de moitié depuis des mois et sont versés de manière erratique.

Et avec l'hiver qui s'installe, le prix du mazout a fortement augmenté. Il n'y a que quatre heures d'électricité par jour et les gens n'ont plus les moyens de payer l'abonnement au générateur collectif.

"Il y a chez les gens un sentiment de trahison, de défaite et d'humiliation et ils en rendent responsables les partis", assuré le géographe Cyril Roussel, spécialiste du Kurdistan irakien.

"On pouvait s'y attendre. Les gens se sentent trahis et les caisses de la région sont vides. Bagdad attend la banqueroute de la région pour entamer des négociations en position de force", selon lui.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a affirmé que son gouvernement ne pouvait pas payer le salaire des fonctionnaires au Kurdistan à "cause de la corruption qui y règne".

De son côté, Nechervan Barzani, en visite en Allemagne, a affirmé mardi que le Kurdistan "traversait une période difficile. Vos frustrations sont compréhensibles et je les entends". Il a dit soutenir les manifestations pacifiques "mais la violence est inacceptable".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.