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La justice turque ordonne la libération de deux journalistes britanniques détenus pour "terrorisme"


Jeudi 3 septembre 2015 à 17h15

Diyarbakir (Turquie), 3 sept 2015 (AFP) — Un tribunal de Diyarbakir (sud-est) a ordonné jeudi la remise en liberté de deux journalistes britanniques arrêtés la semaine dernière en Turquie sur la base d'accusations de "terrorisme", a-t-on appris de source judiciaire.

Les deux reporters du site d'information Vice News, Jake Hanrahan et Philip Pendlebury, ont pu quitter leur prison d'Adana (sud) dans l'après-midi, a pour sa part annoncé Vice.

Le tribunal a par contre décidé de maintenir leur traducteur Mohammed Ismael Rasool, de nationalité irakienne, en détention, a ajouté la source judiciaire turque, sans donner plus de détails sur ses raisons.

Les deux journalistes et leur traducteur avaient été arrêtés le 27 août alors qu'ils couvraient autour de Diyarbakir, la grande ville à majorité kurde du sud-est turc, les violences qui opposent depuis plus d'un mois les militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebelles kurdes) et les forces de sécurité turques.

La justice turque leur reproche d'avoir entretenu des contacts avec des organisations telles que le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et le PKK. Ils ont été formellement inculpés lundi et placés en détention provisoire.

Parmi les éléments à charge retenus par le juge figurent des images tournées par les journalistes montrant des jeunes militants proches du PKK en train de fabriquer des cocktails Molotov, ainsi que des carnets détaillant la structure du mouvement rebelle, a rapporté l'agence de presse progouvernementale Anatolie.

Vice News a catégoriquement démenti ces allégations jugées "sans fondement".

Dans une déclaration publiée jeudi, le média s'est réjoui de la libération de ses deux journalistes mais a également réclamé celle du traducteur. "Nous en appelons aux autorités turques pour qu'elles mettent rapidement un terme à cette détention injuste et le remette immédiatement en liberté", a indiqué Vice.

"Si les journalistes n'ont finalement pas aidé ces organisations ("terroristes"), alors quel pourrait être le crime de la personne qui était leur traducteur ?", a renchéri sur son compte Twitter le chef du barreau de Diyarbakir, Tahir Elci.

Washington, Bruxelles ou Londres, ainsi que les ONG de défense des droits de la presse, qui critiquent régulièrement les pressions du régime islamo-conservateur d'Ankara sur les médias, ont dénoncé l'incarcération des journalistes.

Embarrassé, le gouvernement turc a tenté de minimiser sa responsabilité.

"Nous ne sommes pas satisfaits qu'ils aient été arrêtés (...) c'est une procédure judiciaire, le gouvernement n'a joué aucun rôle dans leur arrestation", avait déclaré sous couvert de l'anonymat à l'AFP une source gouvernementale.

A deux mois des élections législatives anticipées du 1er novembre, le président Erdogan est accusé par ses détracteurs de vouloir faire taire toute critique contre son régime.

Mardi, la police a lancé un spectaculaire coup de filet contre un groupe d'entreprises et de médias réputé proche de l'imam Fethullah Gülen, que M. Erdogan accuse de comploter pour précipiter sa chute. De nombreux journalistes ou titres proches de l'opposition font également l'objet de poursuites judiciaires.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.