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L'assassin présumé de trois militantes kurdes renvoyé aux assises


Jeudi 13 août 2015 à 17h40

Paris, 13 août 2015 (AFP) — A l'issue d'une enquête qui pointe du doigt les services secrets turcs, Omer Güney, l'assassin présumé de trois militantes kurdes en 2013 à Paris, a été renvoyé jeudi devant les assises, mais les commanditaires n'ont toujours pas été identifiés.

Omer Güney, un Turc de 33 ans, ancien agent d'entretien à l'aéroport de Roissy, va être jugé par la cour d'assises spéciales de Paris pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste", a appris l'AFP de source judiciaire. La date du procès n'est pas encore fixée.

Le 9 janvier 2013, en plein jour, trois activistes kurdes sont froidement abattues de plusieurs balles dans la tête dans les locaux du Centre d'information du Kurdistan (CIK), dans le Xe arrondissement de Paris: Sakine Cansiz, 54 ans, une des fondatrices du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) réputée très proche de son chef historique Abdullah Öcalan, Fidan Dogan, 28 ans, surnommée "la diplomate" pour ses liens étroits avec la classe politique européenne, et Leyla Saylemez, 24 ans, "la guerrière", chargée de former des femmes à la guérilla.

Durant l'instruction, Omer Güney a nié les faits malgré de nombreux éléments à charge: des caméras de vidéosurveillance l'ont filmé entrant dans l'immeuble du CIK peu avant les crimes, l'ADN d'une des victimes a été retrouvé sur sa parka et sa sacoche contenait des traces de poudre.

L'enquête pointe "l'implication" des services secrets turcs, le MIT, "dans l'instigation et la préparation des assassinats", selon une source proche du dossier. Mais elle n'a pas réussi à établir s'ils en étaient les commanditaires. Les agents ont-ils agi "avec l'aval de leur hiérarchie" ou "à l'insu de leur service afin de le discréditer ou de nuire au processus de paix", entamé à l'époque entre Ankara et le PKK ?, s'interroge la source.

- "Eliminer des cadres du PKK" -

"Rien ne prouve que l'ordre soit venu du sommet de l'Etat. Le MIT est une organisation complexe et nombre de ses membres sont incontrôlables", souligne de son côté une source proche de l'enquête.

Omer Güney s'était rapproché fin 2011 d'associations kurdes en région parisienne. Décrit par ses proches comme un Turc ultranationaliste, Omer Güney avait infiltré cette mouvance "dans un but de surveillance et d'espionnage" avec pour mission "d'éliminer des cadres du PKK", d'après la source proche du dossier.

L'accusé, un temps chauffeur bénévole de Sakine Cansiz, a effectué de nombreux voyages secrets en Turquie, correspondait avec de mystérieux interlocuteurs turcs, et son téléphone portable contenait des centaines de clichés de sympathisants de la cause kurde.

Un enregistrement sonore d'une conversation entre un homme présenté comme Omer Güney et deux agents du MIT a aussi été saisi par la justice.

Les services secrets turcs ont officiellement démenti en janvier 2014 tout rôle dans les assassinats.

Mais, quelques mois plus tard, les juges d'instruction en charge du dossier ont déjoué un projet d'évasion d'Omer Güney. L'homme, incarcéré depuis le 21 janvier 2013 près de Paris, comptait s'évader "avec l'aide d'un membre du MIT", selon la source proche du dossier.

Outre l'implication des services secrets turcs, plusieurs pistes ont été évoquées au début de l'enquête: un différend personnel, un règlement de compte interne au sein du PKK ou un crime commis par les "Loups gris", groupe d'extrême droite turc. Mais elles ont depuis été abandonnées.

L'affaire est sensible dans le climat géopolitique actuel. Après des années d'accalmie, Ankara a repris les hostilités avec le PKK, bombardant sans relâche depuis fin juillet, au nom de "la guerre contre le terrorisme", des positions de la guérilla kurde.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.