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L'armée turque sur le sol irakien après une série d'attaques meurtrières du PKK


Mardi 8 septembre 2015 à 17h49

Ankara, 8 sept 2015 (AFP) — L'armée turque est entrée mardi en territoire irakien, pour la première fois en quatre ans, après une série d'attaques des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui ont tué plus de 30 soldats ou policiers et plongé un peu plus la Turquie dans la violence.

Deux jours après une première embuscade à l'explosif dans laquelle 16 soldats ont péri à Daglica (sud-est), le PKK a réalisé une opération similaire mardi à l'aube contre un bus de la police, aux confins des frontières avec l'Arménie, l'Iran et l'Azerbaïdjan.

L'attaque, dans la province d'Igdir, a fait 13 morts et 1 blessé, selon les autorités locales. Un précédent bilan faisait état de 14 tués.

Depuis dimanche soir, les chasseurs F-16 et F-4 de l'aviation turque ont pilonné les bases arrière du mouvement rebelle dans les montagnes du nord de l'Irak, et des membres des forces spéciales ont franchi la frontière irakienne à la poursuite d'éléments du PKK.

"C'est une mesure de courte durée pour empêcher la fuite des terroristes", a déclaré sous couvert de l'anonymat à l'AFP une source gouvernementale turque, sans préciser la date ni la durée de cette opération.

Les frappes aériennes et le raid des "bérets bordeaux" ont provoqué la mort de "près de cent terroristes" du PKK, selon l'agence de presse Dogan citant des sources militaires.

La précédente incursion de l'armée turque sur le sol irakien, un phénomène courant dans les années 1990 contre les camps du PKK, remontait à 2011.

Dans un discours très ferme, le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a promis mardi de débarrasser son pays du PKK.

"Nous n'avons pas abandonné et nous n'abandonnerons pas cette nation à trois ou cinq terroristes", s'est exclamé M. Erdogan. "Si Dieu le veut, la Turquie (...) réussira à se débarrasser de la peste terroriste", a-t-il insisté.

- Inquiétude à Cizre -

Son Premier ministre Ahmet Davutoglu a fait montre de la même fermeté à Van (est), lors d'une cérémonie en l'honneur des 16 soldats tués à Daglica.

"Pour l'unité de cette nation, de ce pays, chacun des responsables de chacun de ces bains de sang rendra des comptes", a déclaré M. Davutoglu devant les cercueils des "martyrs", selon la terminologie officielle, recouverts du drapeau turc.

L'opération conduite par le PKK à Daglica a été la plus meurtrière depuis la reprise il y a près de deux mois des affrontements entre l'armée et ce mouvement rebelle. Ces violences ont fait voler en éclats les discussions de paix engagées à l'automne 2012 pour mettre un terme à un conflit qui a fait au moins 40.000 morts depuis 1984.

Cette escalade a débuté fin juillet, lorsqu'Ankara a ordonné des frappes aériennes contre le PKK en représailles à des attaques rebelles contre ses forces de sécurité.

Les violences sont depuis quotidiennes. Mardi encore, un policier a été tué à Tunceli (est).

Des députés du principal parti prokurde (le HDP, Parti démocratiques des peuples) ont affirmé que 6 civils avaient été tuées lundi dans la ville de Cizre (sud-est), soumise depuis cinq jours à un strict couvre-feu. "Les attaques contre notre peuple virent au massacre", a déploré le HDP.

Selon le dernier bilan compilé par la presse favorable au régime, une centaine de soldats ou de policiers et un millier de rebelles ont péri depuis la fin juillet.

- Tensions politiques -

Les dernières attaques du PKK ont suscité de vives tensions avec la communauté kurde dans tout le pays. Quelque 20% des 76 millions de Turcs sont d'origine kurde.

Le HDP, considéré comme proche du PKK, a affirmé que ses locaux avaient été visés par des manifestations ou des attaques dans plus d'une centaine de villes.

Son chef de file, Selahattin Demirtas, a été traité de "tueur" en Une du quotidien Yeni Safak, favorable au gouvernement, bien qu'il ait condamné l'attentat de Daglica. "Kurdes, Turcs, serrez les rangs. La paix est le meilleur remède", a insisté M. Demirtas.

Ce cycle de violences intervient à moins de deux mois des élections législatives anticipées convoquées par le chef de l'Etat pour le 1er novembre.

Au scrutin du 7 juin, le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan a perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis douze ans au Parlement. Le président fait campagne pour qu'il la retrouve afin d'établir un régime présidentiel fort.

Lundi, l'opposition l'a accusé de souffler sur les braises du conflit kurde pour satisfaire ses seules ambitions.

"Dans les démocraties, le seul endroit pour régler ses comptes c'est l'urne", leur a répondu mardi M. Erdogan. "Je pense que le 1er novembre, notre peuple exigera de certains qu'ils rendent des comptes sur ce qui s'est passé", a-t-il ajouté.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.