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Kurdistan irakien: peur sur la montagne interdite


Samedi 10 novembre 2007 à 09h09

KHIZAVA (Irak), 10 nov 2007 (AFP) — Ils lèvent le nez, tendent l'oreille. Le ronronnement caractéristique d'un drone américain. Pas de danger. Il n'est pas encore temps de fuir Khizava.

Les villageois kurdes irakiens de ce hameau misérable, accroché aux pentes du mont Sindi, à quelques kilomètres de la frontière turque, vivent depuis des semaines dans la hantise d'une incursion de l'armée d'Ankara, à la poursuite des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou, plus probablement, de raids aériens sur leur région.

Leurs voisins plus reculés, comme ceux de Dashtatakh, se sont depuis une dizaine de jours réfugiés à Zakho, dans la plaine. Seuls quelques vieux, trop malades ou trop désespérés, sont restés pour garder les maisons et nourrir le bétail.

Jihan Ali, 31 ans, fait cuire sur le four bombé traditionnel, sur le seuil de la maison, des galettes de pain que ses cinq enfants lui chipent pour le manger chaud. Un seul a des chaussures.

"Bien sûr, nous avons peur des Turcs... Alors s'ils attaquent, on s'en ira. Comme la dernière fois" soupire-t-elle, avec dans le regard le fatalisme de celle qui trois fois déjà a fui les explosions. "La dernière, je crois que c'était en 97. Le PKK s'était installé dans le village, les avions l'ont bombardé".

"Ces gars du PKK, même s'ils défendent leurs droits, n'apportent que la mort et le malheur... Je les déteste!"

Pour pouvoir emmener ses moutons, son beau-frère Edriss Mohammad a mis ses bêtes à l'enclos, qui en cette saison devraient encore être dans les meilleurs pâturages, près du sommet.

Il croise souvent dans la montagne, dit-il, les guérilleros kurdes de Turquie et ne se fait pas trop de souci pour eux. "Ils savent bien se cacher, sous les arbres ou dans les grottes. Si les Turcs attaquent, ils s'échapperont, c'est sûr".

Depuis une dizaine de jours, les rares routes qui montent vers les sommets où se cachent les quelque trois mille combattants du PKK sont fermées par des barrages de soldats et policiers kurdes irakiens. Les ordres sont stricts: personne ne passe, à l'exception des habitants des villages de montagne.

Les membres de la police des frontières éconduisent, en souriant mais fermement, trois voitures sur quatre au barrage installé sur un col, peu après la sortie de Khizava.

Assis sur leurs talons au bord de la route, Khaled Hassan, 32 ans, et ses deux cousins se veulent optimistes. "Ici, ça ira", assure-t-il. "Nous sommes assez bas. Nous entendons souvent le canon tonner, mais je ne crois pas que les chars turcs viendront jusqu'ici, cette fois".

"Pour moi c'est sûr, le PKK n'est plus là-haut depuis des jours. Ils sont partis, ils ne vont pas attendre tranquillement qu'on les bombarde..."

Un avis partagé par Abdoulmadjid (il n'accepte de révéler que son prénom), professeur dans la grande ville voisine de Dohouk, qui assure avoir accompagné il y a deux semaines jusqu'aux avant-postes du PKK une équipe de journalistes britanniques.

"Ils étaient deux à venir à notre rencontre", raconte-t-il. "Ils nous ont dit qu'ils avaient reçu ordre de partir, vers la frontière iranienne ou en Turquie".

"Les Turcs vont détruire les bases qu'ils connaissent ou que vont leur indiquer les Américains avec leurs avions-espions, mais il n'y aura personne dedans", assure-t-il. "Le PKK a des positions de repli secrètes. Ils vont s'y cacher et attendre la fin de l'orage".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.