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Irak: les Kurdes dans l'attente d'un "oui" massif au référendum d'indépendance


Mardi 26 septembre 2017 à 16h19

Erbil (Irak), 26 sept 2017 (AFP) — Une victoire massive du "oui" au référendum d'indépendance est attendu au Kurdistan irakien, faisant craindre une escalade avec Bagdad, où le gouvernement fédéral préparait mardi sa riposte.

Cette consultation, une décision unilatérale prise par le président du Kurdistan Massoud Barzani, s'est tenue lundi dans cette région autonome du nord de l'Irak --qui comprend les provinces d'Erbil, Souleimaniyeh et Dohouk--, mais aussi dans des zones que se disputent Kurdes et gouvernement central.

Elle a été largement célébrée dans la capitale du Kurdistan, Erbil, qui a connu une soirée marquée par des feux d'artifice et des danses dans les rues pleines de drapeaux kurdes.

"Nous sommes le peuple kurde, nous ne sommes pas des Arabes, nous ne sommes pas des Persans (...). Nous sommes Kurdes et le resterons toujours", a lancé à l'AFP un habitant, Ahmad.

Si le résultat du scrutin ne fait aucun doute, la majorité des Kurdes étant acquis au "oui", leur rêve d'indépendance chéri depuis un siècle ne devrait pas devenir réalité dans un futur proche.

Massoud Barzani a affirmé que ce vote ne serait pas aussitôt suivi d'une déclaration d'indépendance mais marquerait plutôt le début de "discussions sérieuses" avec Bagdad.

- Déploiement de 'forces'?-

Ces discussions promettent d'être tendues et le risque d'escalade est grand face au refus du pouvoir central de voir l'Irak amputé de sa région nord. Le Premier ministre Haider al-Abadi a dénoncé une "décision unilatérale affectant l'unité de l'Irak".

Le député chiite Ali al-Alaq a indiqué à l'AFP que M. Abadi se rendrait mercredi au Parlement "pour discuter des décisions qu'il entend prendre dans cette crise avec le Kurdistan".

Le Parlement de Bagdad a voté lundi une résolution "exigeant du commandant en chef de l'armée (M. Abadi) de déployer des forces dans toutes les zones" disputées, qui n'a pas encore été appliquée.

Ces zones comprennent la province multi-ethnique de Kirkouk ainsi que des secteurs des provinces de Ninive, Dyala et Salaheddine. La plupart avaient été conquises par les peshmergas, les combattants kurdes, en 2014, à la faveur du chaos qui a régné après l'offensive du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Cette consultation intervient d'ailleurs alors que les forces irakiennes sont à l'offensive contre les derniers bastions de l'EI, dans le nord et l'ouest du pays.

Le gouvernement irakien prendra "son temps avant de prendre des décisions, en tenant compte de l'avis notamment des chefs militaires car la priorité actuelle pour l'Irak, c'est la guerre contre Daech" (acronyme arabe de l'EI), a estimé Issam al-Fayli, professeur de Sciences politiques à Bagdad.

"Il y aura peut être certains incidents mineurs mais la crise devrait en fin de compte restée sous contrôle", a-t-il dit à l'AFP.

A Kirkouk, les Arabes, qui ont boycotté le scrutin, assurent ne pas craindre pour leur présence dans cette province. Mais dans les autres territoires disputés, la peur que la situation dégénère existe.

Dans la province de Dyala, cheikh Haytham al Hom, chef d'une des grandes tribus sunnites de la région, parle sans détour.

"Nous avons peur qu'il y ait des affrontements entre l'armée irakienne et les peshmergas après la décision du Parlement d'envoyer des troupes", a dit cet homme vêtu de la tenue traditionnelle tribale.

Mardi, des soldats irakiens ont participé à des exercices militaires de l'armée turque menés à la frontière entre les deux pays, a constaté un journaliste de l'AFP.

- L'ONU appelle au 'compromis' -

A l'étranger, ce scrutin est largement critiqué, tout particulièrement par la Turquie, la Syrie et l'Iran, trois pays voisins comptant des minorités kurdes.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde mardi contre un risque de "guerre ethnique et confessionnelle" si le Kurdistan irakien menait à terme son projet d'indépendance.

Il a particulièrement critiqué l'inclusion dans le référendum de Kirkouk, où vivent des Kurdes, des Arabes et des Turkmènes.

En Syrie, le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem a dénoncé un référendum "totalement inacceptable", tout en disant que Damas était prêt à discuter d'"autonomie" avec les Kurdes du pays.

Les Etats-Unis se sont dit "profondément déçus" de la décision d'Erbil de maintenir ce référendum, craignant qu'il "augmente l'instabilité" de la région. Le chef de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit de nouveau "préoccupé", appelant "à des compromis".

L'Union européenne a appelé "toutes les parties au calme et à la retenue", afin de "résoudre les problèmes par un dialogue pacifique et constructif".

Plus de 3,3 millions de personnes se sont rendues aux urnes, soit 72,16% des inscrits, selon la commission électorale. Mais dans la région de Souleimaniyeh, fief de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), parti rival de Massoud Barzani, ce taux a été de 50% seulement.

Dans la province disputée de Kirkouk située hors du Kurdistan, l'affluence a été nombreuse dans les quartiers kurdes.

Craignant d'éventuelles violences, "un couvre-feu total" avait été imposé lundi soir dans le centre de la ville Kirkouk et ses quartiers arabes et turkmènes. Il a été levé mardi matin.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.