Page Précédente

Irak: craintes de violences dans les zones disputées entre Erbil et Bagdad


Mardi 26 septembre 2017 à 17h03

Kirkouk (Irak), 26 sept 2017 (AFP) — Dans la province irakienne de Kirkouk, des Arabes ayant boycotté le référendum d'indépendance kurde assurent ne pas craindre pour leur présence, mais dans d'autres régions disputées entre Bagdad et Erbil, des habitants craignent des violences.

"Les Arabes ont refusé ce référendum mais soyons francs, les habitants de Kirkouk ne demandent que la coexistence", explique à l'AFP Cheikh Bourhane al-Assi, représentant arabe au conseil de la province de Kirkouk, au lendemain de la consultation qui doit déboucher sans grande surprise sur un "oui" en faveur de l'indépendance.

Dans cette province multi-ethnique du nord de l'Irak, des rumeurs ont circulé sur des actes de représailles contre ceux qui ont refusé de participer au vote.

Ce que nie totalement Mohammad al-Mouafaq, un habitant arabe qui savoure son thé dans un café de Kirkouk. "Personne n'a frappé à notre porte après le scrutin et personne nous a obligés de faire quoi que ce soit", affirme l'homme qui vit dans un district où vivent Turkmènes et Arabes.

"Aucun membre de notre famille n'a voté. C'est une affaire kurde et c'est leur droit. Attendons de voir ce qui va se passer. Peu nous importe si nous sommes rattachés à Bagdad ou au Kurdistan, ce qui importe c'est notre gagne-pain", ajoute-t-il.

- 'Nous avons peur' -

Lundi, le Parlement de Bagdad, totalement opposé au référendum, a voté une résolution "exigeant du commandant en chef de l'armée (le Premier ministre Haider al-Abadi) de déployer des forces dans toutes les zones" disputées entre le pouvoir central et Erbil, une mesure qui n'a cependant pas encore été mise en oeuvre.

Outre Kirkouk sont visés des secteurs des provinces de Ninive, Dyala et Salaheddine. La plupart avaient été conquises par les peshmergas, les combattants kurdes, en 2014, à la faveur du chaos qui a régné après l'offensive des jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Dans ces trois dernières provinces, au nord de Bagdad, des habitants ne cachent pas leur crainte de violences.

Dans celle de Dyala, on a peur d'affrontements entre Arabes et Kurdes.

"Nous avons peur qu'il y ait des affrontements entre l'armée irakienne et les peshmergas après la décision du Parlement d'envoyer les troupes dans les zones disputées", confie cheikh Haytham al-Hom, chef d'une grande tribu sunnite arabe, qui réside à Mandali, près de la frontière iranienne.

Plus au sud, à al Saadiyé, un chef d'une tribu kurde chiite partage cette appréhension.

"Nous avons interdit dans le passé l'entrée de Daech (acronyme arabe de l'EI) chez nous et nous interdirons l'entrée de n'importe qui d'autre", assure Abdallah al-Zarqouchi, vêtu d'une dichdacha (robe masculine) blanche sur laquelle est enfilée une veste.

- 'Humiliés' -

A Khanaqine, à majorité kurde, on tente de calmer le jeu. "Voter au référendum ne signifie pas que nous voulons la guerre avec les forces de Bagdad", assure Delchad Dlair, un marchand de légumes kurde âgé de 40 ans.

Les secteurs disputés entre Erbil et Bagdad représentent un vaste territoire qui s'étire de la Syrie à l'Iran, soit près de 650 kilomètres d'est en ouest, et d'environ 50 à 100 kilomètres du nord au sud.

Dans la province de Ninive, des chrétiens de Hamdaniyé ont été maltraités lundi à un barrage de miliciens de Hachd al-Chaabi, une force paramilitaire alliée au pouvoir central.

"Ils ont examiné nos doigts, et ceux qui avaient de l'encre ont été humiliés", a dit un habitant, en référence à l'encre dans laquelle chaque votant doit tremper son doigt, pour éviter les fraudes.

Pour Khalil Joumaa, un Yazidi habitant la ville de Bachiqa, "les citoyens se fichent de savoir qui contrôlera la région. Ce qui nous intéresse, c'est vivre en paix et en sécurité", dit-il.

"Nous avons toujours peur du retour de la violence ici" où l'EI avait perpétré d'horribles crimes contre les Yazidis, ajoute cet agriculteur de 45 ans.

Non loin de là, à Bartela, Youssef al-Chabaaki, qui appartient à une autre minorité, les Chabak, se désole que "ni le gouvernement de Bagdad, ni celui du Kurdistan (...) ont protégé" sa communauté.

"Le mieux serait une force mixte composée d'éléments de l'armée et des peshmergas et supervisée par l'ONU", dit ce chômeur de 30 ans.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.