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François Dupeyron, cinéaste des sans-grades et des cabossés de la vie


Jeudi 25 février 2016 à 13h02

Paris, 25 fév 2016 (AFP) — Cinéaste des gueules cassées de la Grande Guerre, des exclus, qu'ils soient kurdes ou relégués dans une cité de banlieue, François Dupeyron, qui est décédé jeudi à 65 ans, a filmé toute sa vie les sans-grades et les "cabossés" de la vie.

Evoluant à la marge du cinéma français, loin des grosses productions formatées, François Dupeyron laisse quelques films sensibles et singuliers, de son premier long métrage "Drôle d'endroit pour une rencontre" (1988), réunissant le duo Depardieu-Deneuve, au dernier, "Mon âme par toi guérie" (2013), en passant par "La Chambre des officiers" 2001, son film le plus connu.

"Je suis venu au cinéma, gamin, parce que j'étais nul à l'écrit", déclarait en 2004, dans Libération, ce natif de Tartas, dans les Landes, diplômé de l'Idhec (Institut des hautes études cinématographiques).

Une affirmation bien sûr hautement sujette à caution de la part d'un réalisateur qui écrivait tous ses scénarios (souvent en adaptant des romans) et s'est aussi essayé au roman.

François Dupeyron s'est fait remarquer avec deux courts métrages, "La nuit du hibou" (1984) puis "Lamento" (1988) qui lui vaudront tous deux un César.

Pour son premier long métrage, "Drôle d'endroit pour une rencontre" (1988), il réunit deux stars, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, qui se croisent sur une aire d'autoroute.

Ses deux films suivants auront moins de succès ("Un coeur qui bat", 1991, puis "La Machine", 1994) mais le réalisateur gagne la Coquille d'or au festival de San Sebastian (Espagne) en 1999 avec "C'est quoi la vie?", une romance toute simple au fond des Causses du Larzac sur fond de malaise paysan et crise de la vache folle.

Avec "La Chambre des officiers", drame racontant la reconstruction de gueules cassées de la Grande Guerre, adapté du roman de Marc Dugain, François Dupeyron est invité en compétition à Cannes en 2001 et nommé aux Césars l'année suivante dans les catégories meilleur réalisateur et meilleur film.

Pour ce récit sensible qui se déroule dans une chambre d'hôpital, le réalisateur avait obtenu l'autorisation de poser ses caméras au Val-de-Grâce.

- Omar Sharif en épicier philosophe -

Après ce succès, le cinéaste semble davantage en quête de légèreté avec "Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", adapté de la pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt, illuminé par Omar Sharif qui obtiendra avec ce rôle d'épicier philosophe un césar du meilleur acteur en 2004.

Toujours attiré par les déclassés, le réalisateur s'est aussi intéressé à l'immigration clandestine en racontant, avec une économie de moyens et de dialogues, les péripéties d'un jeune Kurde en quête d'Angleterre ("Inguélézi") et le quotidien parfois drôle, et parfois moins, des habitants d'une cité de banlieue parisienne ("Aide-toi, le ciel t'aidera", 2008).

"Je ne prétends pas changer le monde, (mais) le monde est en train de fracturer en deux, il faut en prendre conscience", avait déclaré ce réalisateur engagé en présentant "Inguélézi", en 2003, à San Sebastian.

Jamais résigné, le cinéaste avait profité de la sortie de son dernier film, "Mon âme par toi guérie", réunissant sur grand écran Grégory Gadebois et Céline Sallette révélés par la série à succès "Les Revenants", pour pousser un cri de colère contre le système de financement "perverti" du cinéma français.

Dans le dossier de presse du film, il dénonçait notamment le rôle prépondérant de la "télévision", devenu "seul producteur" dans un système "totalitaire".

Outre ses films, François Dupeyron a également participé au scénario du "Fils préféré", de Nicole Garcia, et d'"Un pont entre deux rives" de Gérard Depardieu et Frédéric Auburtin.

Il avait travaillé à plusieurs reprises avec son ami Yves Angelo, qui avait été le directeur de la photographie sur plusieurs de ses films, et dont il avait co-signé le scénario du dernier long métrage, "Au plus près du soleil", sorti en 2015.

François Dupeyron avait aussi achevé la réalisation du film posthume de Claude Berri, "Trésor", après le décès du réalisateur en 2009.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.