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France: des Kurdes syriens goûtent à la liberté malgré un sort incertain


Lundi 25 janvier 2010 à 20h22

MARSEILLE (France), 25 jan 2010 (AFP) — Dans le centre de Marseille, ils déambulent lundi comme des passants ordinaires, mais c'est bien l'air de la liberté que respirent vingt Kurdes sortis la veille d'un centre de rétention au terme d'une mystérieuse odyssée qui les a vus débarquer en Corse.

Ils veulent obtenir l'asile en France. En attendant que leur situation juridique s'éclaircisse, ces cinq jeunes couples avec leurs dix enfants vont déjeuner au restaurant, non loin de l'hôtel où ils ont passé la nuit après leur remise en liberté ordonnée dimanche soir par un juge.

Tous faisaient partie de 123 Kurdes syriens découverts vendredi sur une plage de Corse, île française de Méditerranée, avant d'être transférés dans des centres de rétention dans différentes villes sur le continent.

Lundi soir, tous ces migrants avaient été remis en liberté, la justice estimant qu'ils étaient retenus illégalement. A Marseille (sud-est), les "naufragés" ont échoué dans un hôtel miteux, payé par l'administration.

Bateau, avion, taxi, camion: tout était bon pour quitter la Syrie, un pays où lorsqu'on est Kurde "on ne peut ouvrir la bouche que lorsqu'on est chez le dentiste", affirme Chergo, 32 ans.

Originaire d'un village kurde près de Kamichli (nord-est de la Syrie), il travaillait dans un restaurant à Damas et apprenait l'anglais au centre américain, mais a choisi de partir avec sa femme et ses deux enfants, de six ans et 11 mois.

"On a pris l'avion depuis le Liban pour la Tunisie, avec de faux passeports et de faux visas, puis un bateau, et on est arrivés en Corse", raconte-t-il. "On a payé presque 30.000 dollars". Apatride, comme des milliers de Kurdes syriens depuis 1962, il dit: "Même si la France ne me donne qu'une petite tente et un petit matelas, je sens que je suis libre, je peux parler, je sais qu'il n'arrivera rien de mal à mes enfants".

Omar, 23 ans, et Mahabad, 18 ans, enceinte, ont quitté Kamichli à l'arrière d'un camion chargé de moutons avec leur fille de neuf mois. Omar dit avoir fait trois mois de prison, accusé de dire du mal des arabes. Il a décidé de partir en mars.

"On est descendus à côté de la mer, dans des forêts. Le chauffeur a dit: c'est la Tunisie. Des petits bateaux nous ont conduits sur de grands bateaux, où il y avait déjà d'autres gens, il faisait nuit", raconte-t-il. Lui dit avoir payé 9.000 dollars pour sa famille.

Arrivés sur la plage corse, "on nous a dit: +restez ici une dizaine d'heures. Après, cherchez la route+". Mahabad a été malade, elle avait peur de mourir.

Bilal, 28 ans, et sa femme Sanaa, 20 ans, avaient pris la décision de partir depuis trois ou quatre mois, avec leur fillette "d'un an et dix jours".

"Là-bas, ils nous tapent, nous attaquent", dit Bilal, arrêté en 2004 lors d'un match de foot à Kamichli où, raconte-t-il, les forces de l'ordre avaient tiré sur les spectateurs, faisant plusieurs morts, après des affrontements entre supporteurs arabes et kurdes.

Ils sont passés en Jordanie où ils sont restés un mois enfermés dans un appartement. Puis ils ont pris "un bateau moyen" pour gagner la Tunisie et de là "un grand bateau avec de la ferraille à bord, et du pétrole". Il dit avoir payé 30.000 dollars et assure: "je suis très content d'être en France, il y a de la liberté pour tout le monde ici".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.