Page Précédente

Fort de son triomphe électoral, Erdogan relance sa réforme contestée de la Constitution


Mercredi 4 novembre 2015 à 14h51

Ankara, 4 nov 2015 (AFP) — Le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a remis mercredi sur la table sa réforme contestée de la Constitution et promis une nouvelle fois de lutter jusqu'au bout contre les rebelles kurdes, trois jours après son triomphe électoral.

Dans son premier discours public depuis les législatives de dimanche, l'homme fort du pays a confirmé, sur un ton très ferme, sa volonté de reprendre personnellement en main les affaires du pays, confirmant les craintes de ses détracteurs qui s'inquiètent d'un nouveau tour de vis autoritaire dans le pays.

"L'un des plus importants messages des élections du 1er novembre est de régler la question d'une nouvelle Constitution", a lancé M. Erdogan devant un parterre d'élus locaux invités dans son palais d'Ankara.

"Tous ceux qui s'opposent à la demande de notre peuple en faveur d'une nouvelle Constitution en paieront le prix dans quatre ans" lors des prochaines élections, a-t-il ajouté en pressant l'opposition de soutenir sa réforme.

Chef du gouvernement pendant onze ans (2003-2014), M. Erdogan, 61 ans, plaide depuis son élection à la présidence en août 2014 pour une réforme de la Constitution mise en place après le coup d'Etat militaire de 1980. Il souhaite le transfert de l'essentiel du pouvoir exécutif du Premier ministre au chef de l'Etat.

Lors des législatives du 7 juin, ce projet, dont il avait fait la priorité de sa campagne, a été largement désavoué par les électeurs, au point de priver son Parti de la justice et du développement (AKP) de la majorité absolue qu'il détenait depuis 2002.

Contre tous les pronostics, l'AKP a regagné dimanche le contrôle exclusif du Parlement en totalisant 49,4% des suffrages et 317 sièges de députés.

Sa majorité absolue est toutefois insuffisante pour faire passer une réforme de la Constitution (il faut la majorité des deux tiers, soit les voix d'au moins 367 des 550 députés) et même pour lancer un référendum constitutionnel (330 voix requises).

Le porte-parole de M. Erdogan a toutefois laissé entendre que la question pourrait malgré tout être tranchée par les électeurs.

- Vers un référendum -

"Nous rechercherons les conseils de notre peuple. Si le mécanisme pour y parvenir est un référendum, alors ce sera le cas", a indiqué Ibrahim Kalin devant la presse, jugeant que la Turquie ferait "un grand bond en avant" avec un président fort.

Même si M. Kalin a souligné que la présidentialisation du régime n'était pas une facétie "personnelle" de M. Erdogan, l'opposition turque a d'ores et déjà rejeté la réforme.

"Le système présidentiel ne doit pas exister en Turquie", a tranché mardi le secrétaire général du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) Gürsel Tekin.

"Nous défendons un système parlementaire basé sur une séparation des pouvoirs (...) Nous sommes contre le système présidentiel", a renchéri mercredi sur Twitter Ayhan Bilgen, porte-parole du Parti de la démocratie des peuples (HDP, prokurde).

L'opposition turque, des ONG et de nombreux pays alliés d'Ankara s'inquiètent de la dérive autoritaire de M. Erdogan et dénoncent régulièrement sa volonté de faire taire toute critique, notamment dans la presse. Mardi, deux journalistes ont encore été écroués pour avoir critiqué la victoire électorale de l'AKP.

Mercredi, le chef de l'Etat a également confirmé sa fermeté dans le conflit kurde.

"Il n'y aura pas de pause (...) les opérations continueront de manière déterminée contre l'organisation terroriste à l'intérieur et à l'extérieur de la Turquie", a-t-il insisté dans son discours, "nous continuerons notre combat jusqu'à ce que l'organisation terroriste enterre ses armes et que ses membres se rendent et quittent le sol turc".

Depuis le scrutin, l'aviation turque a déjà procédé à deux séries de frappes contre des objectifs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à la fois dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie et dans ses repaires du nord de l'Irak, a annoncé l'armée.

Après une accalmie juste avant le scrutin, les affrontements entre l'armée et le PKK ont repris de plus belle depuis trois jours, écartant à court terme tout espoir de cessez-le-feu et de poursuite des pourparlers de paix suspendus depuis la fin juillet.

Deux soldats ont été tués mercredi à Yüksekova, aux confins des frontières irakienne et iranienne. La veille, quatre militants kurdes avaient déjà perdu la vie.

Selon le chef de l'Etat, le PKK a tué 248 policiers, militaires et civils depuis l'été.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.