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En pleine crise des migrants, Erdogan dénonce la complaisance de l'UE pour les rebelles kurdes


Vendredi 18 mars 2016 à 14h26

Istanbul, 18 mars 2016 (AFP) — Le président turc Recep Tayyip Erdogan a choisi vendredi le moment délicat où son pays négocie à Bruxelles un accord sur les migrants pour lancer une nouvelle attaque contre l'Europe, l'accusant cette fois de complaisance pour la rébellion kurde.

Cinq jours après l'attentat meurtrier d'Ankara, M. Erdogan a saisi l'occasion d'un discours commémorant la bataille de Gallipoli (1915) pour accuser sans détour les pays de l'Union européenne (UE) de ne pas le soutenir dans sa lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), pourtant considéré par eux comme un groupe "terroriste".

"Il n'y a pas de raison que la bombe qui a explosé à Ankara (...) n'explose par un jour dans une autre ville en Europe", a-t-il dit, "malgré cette réalité, les pays européens ne font pas attention, comme s'ils dansaient dans un champ de mines".

A titre d'exemple, l'homme fort de Turquie a affirmé que des partisans du PKK avaient été autorisés à arborer ses drapeaux près du bâtiment de la Commission européenne.

"Ce n'est pas honnête (...) ils ont capitulé face à la terreur", a-t-il fulminé. "Une nouvelle fois, j'en appelle aux pays qui soutiennent directement ou indirectement les organisations terroristes: vous nourrissez une vipère en votre sein".

Cette énième sortie anti-européenne de M. Erdogan est intervenue alors que son Premier ministre Ahmet Davutoglu négociait avec l'UE un plan d'action sur les migrants.

En échange de son aide pour ralentir leur flot vers l'Europe, Ankara a placé la barre très haut: relance des discussions d'adhésion, doublement de l'aide financière, suppression des visas européens pour ses citoyens.

Mais certains des 28 rechignent à satisfaire les Turquie en s'inquiétant de la dégradation de la situation des droits de l'Homme, notamment en lien avec le conflit kurde. La chancelière allemande Angela Merkel lui a reconnu le droit à une réponse armée "proportionnée" face au PKK mais s'est aussi inquiétée du "traitement des Kurdes".

Dimanche soir, Ankara a été frappée par son deuxième attentat suicide en moins d'un mois. Une voiture piégée a foncé sur un arrêt de bus de la très fréquentée place Kizilay d'Ankara, faisant 35 morts et plus de 120 blessés.

- 'Deux poids, deux mesures' -

Comme celui du 17 février (29 morts), il a été revendiqué par un groupe radical dissident mais proche du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), en représailles à la mort de civils pendant les opérations de l'armée et la police contre la rébellion dans plusieurs villes du sud-est anatolien.

Les capitales occidentales ont toutes condamné l'attaque mais le ministre de la justice turc les a accusées vendredi d'avoir "deux poids, deux mesures".

"Ceux qui se lèvent contre le terrorisme lorsqu'il frappe l'Europe ne le font pas quand il s'agit de la Turquie", a déploré Bekir Bozdag, "nous recevons des messages de condoléances mais il n'y a pas d'opération contre ceux qui mènent ces attaques".

La diaspora kurde est importante en France, en Belgique ou en Allemagne.

Moins d'une semaine après l'attentat d'Ankara, la menace reste au plus haut en Turquie, où les TAK ont annoncé de nouvelles opérations.

Jeudi soir, la police a neutralisé une voiture bourrée de 150 kg d'explosifs stationnée près d'un bâtiment officiel dans la province de Diyarbakir (sud-est).

L'Allemagne a fermé jeudi son ambassade à Ankara, son consulat général à Istanbul et ses écoles dans les deux villes en raison d'un risque d'attentat. Le consulat et les deux établissements scolaires sont restés fermés vendredi.

L'ambassade des Etats-Unis à Ankara a mis en garde ses ressortissants en Turquie contre de possibles attentats et leur a recommandé d'"éviter tout rassemblement politique ou manifestation" lors du fêtes du Nouvel an kurde prévues dimanche et lundi.

Embarrassé par les critiques qui dénoncent les ratés de ses services de sécurité, M. Erdogan a réagi en relançant la guerre contre les "complices" des "terroristes" kurdes, élus, intellectuels ou journalistes.

Depuis plusieurs jours, il presse le Parlement de lever l'immunité de députés prokurdes poursuivis pour "propagande terroriste" et la police multiplie les arrestations de partisans de la cause kurde, suscitant de nouvelles réactions indignées en Europe.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.