Page Précédente

En Irak, une école unique rassemble des enfants de diverses communautés


Vendredi 6 novembre 2015 à 08h57

Kirkouk (Irak), 6 nov 2015 (AFP) — Des enfants arabes, kurdes ou turcomans sont assis dans la même salle de classe dans une école du nord de l'Irak où les manuels musulmans et chrétiens se mélangent sur les tables.

La petite école Mariamana qui les accueille dans la ville de Kirkouk est une exception en Irak, un pays dont la diversité culturelle, religieuse et ethnique est mise à mal par les conflits et le confessionnalisme.

"L'ambition était de créer une école recevant des enfants de groupes ethniques et religieux différents (...) afin de surmonter les tensions de notre société", explique Zakia Matty Daoud, sa directrice.

Mariamana a ouvert ses portes en 2012 après avoir été initiée par le patriarche de l'Eglise chaldéenne (catholique) Louis Sako lorsqu'il était archevêque de Kirkouk.

Le nombre d'écoliers a depuis triplé pour atteindre 150 enfants, une centaine de musulmans et une cinquantaine de chrétiens, âgés de six à douze ans.

Un tractopelle s'active sur les terrains de l'école pour y construire une annexe qui accueillera un jardin d'enfants afin de répondre à la demande.

"J'aime mon école parce que j'apprends des choses et parce que je m'amuse", témoigne Hamza, une fillette de neuf ans portant une chemise blanche immaculée et une cravate rouge.

Comme la plupart de ses camarades, Hamza ne semble pas avoir conscience du caractère exceptionnel de son école, ce qui représente une victoire pour l'équipe enseignante soucieuse d'éliminer toutes les barrières.

"Ils vont à l'école ensemble, ils deviennent copains (...) Même leurs parents se fréquentent", se félicite la directrice, une soeur dominicaine en tenue noir et blanc.

"Le succès de cette école montre que les habitants de Kirkouk sont nombreux à vouloir que les appartenances communautaires et ethniques ne divisent plus leur ville", renchérit Faraj Benoit Camurat, président de Fraternité en Irak, une ONG française.

Cette mixité est une tradition à Kirkouk, la ville la plus cosmopolite et diverse d'Irak. Mais elle est située dans une province riche en ressources pétrolières que se disputent les autorités fédérales de Bagdad et la région autonome kurde, dans le nord.

Kirkouk est aussi le bastion de nombreux groupes antagonistes - arabes et kurdes, sunnites et chiites - et de ce fait souvent considérée comme une poudrière susceptible d'exploser.

Mariamana a d'ailleurs été lancée après une année 2011 marquée par de fortes violences confessionnelles.

- 'Une petite oasis' -

"Il est choquant de constater à quel point les Irakiens ignorent les cultures des autres communautés", souligne Saad Salloum, président de Masarat, un institut de promotion des échanges interculturels.

"Il est plus facile de tuer quelqu'un que vous ne connaissez pas", précise-t-il.

Il y a, de ce fait, "un réel besoin de développer des initiatives oecuméniques (...) pour sauver ce qui peut l'être de la diversité de l'Irak et pour aider la paix".

Mais le succès de Mariamana repose aussi sur la qualité de son enseignement, insiste sa directrice, en rangeant une pile de livres parmi lesquels "L'éducation coranique", "Jésus vous aime" ou "L'anglais en Irak".

L'école a d'ailleurs été élue meilleure école primaire de la province de Kirkouk, un prix qui s'ajoute à d'autres.

Scolariser un enfant à Mariamana coûte environ 700 dollars par an, un montant accessible à de nombreux foyers.

L'école accueille une trentaine d'élèves dont les familles ont été contraintes de fuir la fulgurante offensive lancée par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) à l'été 2014.

L'actuel archevêque chaldéen de Kirkouk, Youssef Thomas Mirkis, rappelle que les écoles chrétiennes ont longtemps été un pont entre les communautés en Irak, avant que leur rayonnement ne faiblisse avec la nationalisation des établissements dans les années 1970.

"Nous avons relancé cette expérience à Kirkouk", indique-t-il. "Mariamana est une petite oasis (...) Une hirondelle qui, on l'espère, annonce un printemps" pour l'Irak.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.