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En Irak, la "Jérusalem du Kurdistan" favorable au vote d'indépendance, pas ses voisins


Vendredi 22 septembre 2017 à 09h45

Kirkouk (Irak), 22 sept 2017 (AFP) — La majorité des habitants de la riche province de Kirkouk est favorable à une participation au référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien. Mais ses régions limitrophes sont, elles, prêtes à monter au front contre cette consultation.

Dans la "Jérusalem du Kurdistan" --comme l'a surnommée l'ancien président Jalal Talabani en raison de son caractère multi-communautaire--, il est impossible de tomber sur une affiche électorale appelant à voter le 25 septembre.

La multitude de drapeaux kurdes rouge, blanc et vert témoigne néanmoins du fait que cette communauté y est majoritaire, face aux Arabes et aux Turkmènes.

"Toutes les affirmations sur la situation tendue à Kirkouk sont des mensonges de la part de personnes souhaitant que cela se produise", affirme à l'AFP le gouverneur kurde de la province, Najm Eddine Karim.

Avenant et souriant, ce neurologue kurde de 71 ans, qui possède la nationalité américaine pour y avoir exercé de nombreuses années, est l'homme par qui le scandale est arrivé.

C'est lui qui a poussé à l'inclusion de sa province dans le référendum initié par le président kurde Massoud Barzani, provoquant la colère de Bagdad, qui a dénoncé une mesure illégale et anticonstitutionnelle et l'a récemment limogé.

Car Kirkouk ne figure pas dans les trois provinces qui composent, depuis 2003, la région autonome du Kurdistan.

C'est une zone disputée entre le gouvernement de Bagdad et les Kurdes. Ces derniers affirment qu'elle leur revient historiquement, arguant que l'ancien dictateur Saddam Hussein les en a chassé et les a remplacés par des Arabes.

- 'Ragots' -

Dans son bureau où figure le portrait du chef kurde et ex-président Jalal Talabani, ainsi que les drapeaux kurde et irakien, il nie catégoriquement les rumeurs faisant état de distributions d'armes dans les différentes communautés.

Pour ce médecin qui a refusé catégoriquement de quitter son poste, "il s'agit par ces ragots de semer le chaos pour donner une raison au Premier ministre (Haider al-Abadi) d'envoyer des troupes à Kirkouk".

Puis se faisant moqueur, il ajoute: "elles étaient déjà là et se sont rendues face à Daech", en référence à un acronyme en arabe du groupe Etat islamique.

En juin 2014, face à l'offensive fulgurante des jihadistes qui leur avait permis de s'emparer de près d'un tiers du pays, les forces de sécurité irakiennes, en pleine débandade, avaient abandonné plusieurs positions, ultérieurement reprises par les peshmergas kurdes.

Dans les rues de Kirkouk, près de la fameuse citadelle, Mohammad Saïd, 52 ans, se dit en faveur du référendum.

"Je voterai +Oui+ pour la stabilité. Il n'y a pas de différence entre les Irakiens, mais je pense que le référendum améliorera notre vie et l'économie", affirme ce marchand de piles devant son étal.

Mais la volonté des Kurdes d'inclure dans leur référendum des zones ethniquement mixtes à la périphérie de la province de Kirkouk a jeté davantage d'huile sur le feu.

- 'Jusqu'à la mort' -

"Le référendum n'aura pas lieu, dans notre région. Nous ne le permettrons pas. Que possèdent les Kurdes ici?", dit à l'AFP Atef Annajar, responsable du Hachd al-Chaabi --qui regroupe des unités paramilitaires majoritairement chiites-- à Touz Khormatou.

Cette ville située dans la province de Salaheddine fait partie, comme Kirkouk, des régions d'Irak revendiquées tant par le pouvoir central de Bagdad que par la région autonome du Kurdistan.

Le référendum est "une hypocrisie, c'est uniquement un moyen de faire pression sur le gouvernement central. (...) Nous sommes prêts à l'affrontement jusqu'à la mort", martèle le responsable, tout en assurant que "le commandement tente d'apaiser la situation".

Le gouverneur de Kirkouk se veut pour sa part ferme et rassurant. Si "nos forces se tiennent prêtes à tout moment", "il n'y a pas de dissensions entre le Hachd al-Chaabi et les forces du Kurdistan", avance Najm Eddine Karim.

"Le Hachd n'est pas une force organisée et certains de ses éléments cherchent à créer des problèmes", poursuit-il.

La semaine passée, Hadi al-Ameri, chef de l'organisation Badr, puissant groupe paramilitaire chiite soutenu par Téhéran, avait mis en garde contre une "guerre civile". Le 16 septembre, une voiture piégée a explosé à Kirkouk, tuant trois personnes.

Même si les résultats du scrutin seront non contraignants, de nombreux pays étrangers --dont la Turquie et l'Iran, voisins de l'Irak et qui comptent des minorités kurdes-- s'opposent à sa tenue, tout comme l'ONU.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.