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En dépit de difficultés, Erdogan fait un nouveau pas vers la présidence turque


Lundi 1 octobre 2012 à 17h29

ANKARA, 01 oct 2012 (AFP) — Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a clairement confirmé dimanche son intention de conserver les rênes du pouvoir de son pays en sollicitant en 2014 un mandat à une présidence "remusclée", malgré le ralentissement de l'économie et l'enlisement du conflit kurde.

Les intentions de l'homme fort d'Ankara étaient déjà largement connues, elles sont désormais (presque) transparentes. Réélu dimanche à la tête de son Parti de la justice et l'indépendance (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir depuis 2002, M. Erdogan a assuré à ses troupes réunies en congrès à Ankara qu'il était encore loin, à seulement 58 ans, de prendre sa retraite.

"Ce n'est pas un au revoir", a commenté le chef de gouvernement, qui sera contraint de quitter la direction de l'AKP en 2015. "Nous resterons par tous les moyens au service de notre nation", a-t-il ajouté, "et nous ferons de notre mieux dans chacune des tâches que notre nation nous confiera".

"Ce congrès a clairement montré qu'Erdogan était prêt pour la présidence, si son parti le désigne pour occuper cette fonction", résume Omer Sahin, le rédacteur en chef du quotidien libéral Radikal.

Comme il l'a lui-même expliqué dimanche, le Premier ministre souhaite désormais retailler à sa mesure la Constitution du pays en élargissant le costume étriqué du chef de l'Etat. En clair de passer à un régime plus "présidentiel", à la faveur du renouvellement du mandat d'Abdullah Gül prévu pour la première fois au suffrage universel en 2014.

La commission qui doit discuter de cette réforme est aujourd'hui engluée dans les rivalités entre l'AKP et l'opposition. M. Erdogan s'est engagé dimanche à la réveiller. "Nous avons désespérément besoin d'une nouvelle Constitution qui reflète la volonté du peuple au plus haut niveau", a-t-il plaidé, "nous poursuivrons ce processus avec ceux qui le veulent".

Méthodes autoritaires

Mais, même s'il en est l'incontestable homme fort, Recep Tayyip Erdogan ne fait pas l'unanimité dans son pays. Nombreux dans l'opposition et la société civile lui reprochent ses méthodes autoritaires et dénoncent son bilan en ce qui concerne le respect des droits de l'homme.

Et un sondage publié la semaine dernière est venu rappeler que les Turcs lui préféreraient Abdullah Gül, lui aussi membre de l'AKP, en 2014.

Avant de déclarer sa candidature, M. Erdogan a donc profité du congrès de dimanche pour verrouiller quelques uns des postes clés de son parti. Et, déjà en campagne, pour glorifier son bilan. D'abord en matière économique. Si la croissance turque a nettement fléchi en 2012, il a rappelé que le produit national brut (PNB) de son pays avait plus que triplé depuis 2002.

En matière de démocratie aussi, il s'est vanté d'avoir mis un terme à l'ère des putschs qui ont secoué la Turquie depuis les années 1960. "Nous avons montré à tout le monde qu'une démocratie avancée peut exister dans un pays à forte majorité musulmane", s'est-il enorgueilli.

Pourtant, son discours est loin d'avoir convaincu, notamment lorsqu'il a évoqué le conflit kurde, retombé depuis quelques mois dans une de ses périodes les plus meurtrières des dix dernières années.

Devant ses troupes, le Premier ministre n'a pas répété, comme il l'avait fait la semaine dernière à la télévision, qu'il était prêt à reprendre le dialogue avec les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). "J'en tire la conclusion que la guerre avec le PKK va s'intensifier", déplore l'analyste Soli Ozel, de l'université Bilgi d'Istanbul.

"Les prochains mois nous dirons si nous avons face à nous Erdogan l'homme politique ou Erdogan l'homme d'Etat", confie un diplomate occidental, "c'est seulement si le dernier domine que nous pourrons constater de vrais progrès (...) sur le problème kurde".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.