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Dans ses bastions irakiens, le PKK fustige les raids turcs


Jeudi 30 juillet 2015 à 19h49

Qandil (Irak), 30 juil 2015 (AFP) — "La Turquie nous a déclaré la guerre", soutient un responsable du PKK, en pointant du doigt un cratère creusé par l'une des nombreuses frappes aériennes menées depuis six jours par l'armée turque contre les positions de ce groupe rebelle turc dans le Kurdistan irakien.

"Les raids ont touché notre village à plusieurs endroits", confirme Rassoul Abdallah Faki, un habitant du village d'Inzi situé aux pieds des montagnes de Qandil.

"Nos fermes ont été endommagées ou ont brûlé", explique ce père de sept enfants vêtu d'un traditionnel "sarouel" kurde. Un de ses ânes a été blessé et porte un bandage entourant son flanc.

Depuis le 24 juillet, des F-16 turcs visent des cibles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Irak et du groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie, dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" engagée par le président Recep Tayyip Erdogan après l'attentat du 20 juillet à Suruç qui a fait 32 morts.

Cette offensive a conduit le groupe indépendantiste kurde turc à rompre la trêve qu'il respectait depuis 2013, après avoir combattu pendant trois décennies pour un Etat kurde. Le conflit a déjà fait 40.000 morts depuis 1984.

L'ensemble de la branche militaire du PKK se trouve dans des camps situés dans le Kurdistan irakien. La région de Qandil et la ville de Dohuk, qui abrite un camp de l'organisation, ont été les principales cibles des avions bombardiers de la Turquie, qui considère le PKK comme un groupe "terroriste".

Mais à Inzi, Faqi, 40 ans, se désole de ces raids qui les visent alors qu'"il n'y a pas de membres du PKK dans (son) village". "Ils sont nichés plus haut", assure-t-il.

Dans un camp de fortune installé dans les montagnes, le responsable du PKK, Zagros Hiwa, se montre sévère vis-à-vis d'Ankara.

"Nous nous sommes engagés à respecter le cessez-le-feu jusqu'au dernier moment mais la Turquie n'en a pas fait de même", soutient-il.

"Maintenant nous allons nous protéger et suivre notre stratégie", ajoute-t-il sans plus de détails, alors qu'un portrait d'Abdullah Öcalan, le fondateur du PKK emprisonné -et avec qui Ankara menait des négociations de paix--, surplombe la vallée.

- La guerre contre l'EI, un prétexte -

Lors des six jours de raids, "au moins cinq rebelles du PKK ont été tués et quatre blessés", indique M. Hiwa, membre de la direction politique du PKK. D'autres sources ont fait état de civils blessés au nord de Dohuk.

Dans l'une des bases du PKK à Qandil, seuls quelques bâtiments ont été endommagés de même que le cimetière des combattants.

Pour des "raisons de sécurité", M. Hiwa refuse de conduire les journalistes vers la base politique du PKK située dans les hauteurs de Qandil, rendant difficile le constat réel de l'ampleur des dommages causés par les raids turcs.

Longtemps accusée de complaisance à l'égard des jihadistes, qui se sont emparés de pans entiers de la Syrie et de l'Irak, la Turquie est aujourd'hui soupçonnée d'intensifier sa guerre contre les rebelles kurdes sous couvert de sa lutte contre l'EI, selon des analystes.

Pour M. Hiwa, il n'y a pas de doute: "la Turquie instrumentalise l'Otan et la guerre de la communauté internationale contre l'EI pour attaquer le PKK et les Kurdes en général qui sont la principale force qui combat les jihadistes".

En une semaine, l'armée turque a ainsi fait état de dizaines de frappes aériennes contre des objectifs du PKK, mais n'en a mentionné que trois contre l'EI.

Jeudi, une trentaine de F-16 ont mené une nouvelle série de raids contre les positions des rebelles kurdes dans le nord de l'Irak, selon les chaînes d'information turques NTV et CNN-Turquie.

Ces raids ont été lancés en représailles à l'attaque plus tôt dans la journée d'un convoi militaire dans le sud-est du pays, dans laquelle trois soldats ont été tués, a précisé NTV.

Mais, malgré la peur, la plupart des habitants du village d'Inzi "resteront jusqu'au bout", affirme Rasul Abdullah Faqi.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.