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Dans les montagnes d'Irak, les soldates du PKK prônent un nouveau féminisme


Mercredi 29 novembre 2006 à 08h46

MONT QANDIL (Irak), 29 nov 2006 (AFP) — "Quand une femme abandonne son foyer et prend les armes, ce n'est pas anodin, c'est une révolution sociale. Nous ouvrons les yeux de la société kurde", assure Arshem Kurman, femme et combattante du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Dans une région du monde où la soumission des femmes est la règle, elles jouent un rôle primordial dans les rangs du mouvement de libération kurde, réfugié dans les montagnes du nord de l'Irak, près de la frontière iranienne.

Revendiquant jadis un marxisme orthodoxe, le PKK, qui lutte pour l'indépendance du sud-est anatolien de la Turquie, où les Kurdes sont très nombreux, assure aujourd'hui être converti à la paix et engagé dans un processus démocratique.

Il a cependant conservé une structure militaire qui a donné naissance à un féminisme guerrier unique. Celui-ci n'avait rien d'acquis. Il a fallu et il faut toujours lutter contre les préjugés de la société, parfois partagés par leurs camarades masculins, admettent les femmes du PKK.

"C'est là toute l'importance du martyre, c'est ce qui donne du poids à notre cause", juge Arshem Kurman, soulignant que ce sont les femmes tombées au combat ou qui ont mené des attentats suicides qui ont obligé les hommes du mouvement à les prendre au sérieux.

"Des femmes meurent tous les jours, alors quel meilleur façon de faire passer notre message", ajoute cette instructrice respectée, qui décrit comment une Kurde a tué plus de 50 soldats turcs au cours d'un attentat suicide dans les années 1990.

Au cours de ces années, le PKK a mené 15 attentats suicides. Onze d'entre eux l'ont été par des femmes, mais depuis 1999 et l'arrestation de son chef historique, Abdallah Ocalan, le PKK se déclare prêt à participer à un règlement pacifique du conflit avec les autorités turques.

Dans le camp bati sur le Mont Qandill, la plupart des bâtiments affichent cependant des portraits de Vian Jaf, qui s'est immolée par le feu en février près de la frontière turque pour protester contre la condition des Kurdes dans ce pays, même si, officiellement, la direction du mouvement n'approuve pas ce geste.

Gagner le respect des hommes et obtenir qu'ils les traitent en égales n'est pas facile dans les sociétés machistes du Moyen-Orient, avouent les femmes du PKK.

"Une femme ne peut pas s'élever dans ce contexte. Dans la société traditionnelle kurde, seuls les hommes ont droit à la parole. Si le mari n'est pas à la maison, c'est le fils aîné qui parle, quel que soit son âge", témoigne Reha Baran.

"Dans nos sociétés retardées, les femmes sont confinées aux marges. Notre but, c'est de les faire revenir au centre de la vie publique", explique-t-elle.

Reha Baran enseigne comment les femmes ont été privées de leurs droits, et comment elles peuvent les reconquérir, à un public composé de militantes féministes et de responsables du PKK, dans une école bâtie en pierre.

A charge ensuite pour eux de transmettre ces idées révolutionnaires dans leurs villages et leurs unités, afin qu'elles se répandent dans la société kurde, sans toutefois s'aliéner le soutien des populations.

Pour les jeunes combattantes du mouvement, vivre l'arme à la main, aux côtés de leurs camarades masculins est bien plus intéressant que la vie qui les attendait au village.

Une dizaine d'entre elles, âgées de 15 à 21 ans, boivent du thé en contemplant le coucher du soleil sur les monts Qandil, couronnés de neige. Elles éclatent de rire lorsqu'on leur demande si elles n'auraient pas préféré rester dans leurs foyers, élever leurs enfants.

"Les femmes dans ces familles n'ont pas le droit de s'instruire. Il arrive même que le mouvement aide certaines jeunes filles malheureuses à s'achapper de leurs familles pour nous rejoindre, en particulier en Iran", explique Rojbin Hajjar, une Kurde venue de Syrie.

"Nous ne sommes pas seulement un modèle pour les femmes du Moyen-Orient, mais pour celles du monde entier", juge Sozdar Serbiliz, femme et chef de guerre.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.