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Critiqué après l'attentat d'Ankara, Erdogan annonce une enquête sur de probables "fautes"


Mardi 13 octobre 2015 à 20h21

Ankara, 13 oct 2015 (AFP) — Le président turc Recep Tayyip Erdogan a reconnu de possibles "fautes" de l'Etat et ordonné une enquête après l'attentat le plus meurtrier de l'histoire de son pays, qui nourrit la contestation contre son régime avant les élections législatives du 1er novembre.

Lors de sa première apparition publique depuis le drame, l'homme fort du pays a également indiqué que l'attaque, qui a fait au moins 97 morts samedi dans la capitale turque, trouvait son "origine" en Syrie, confirmant la piste jihadiste avancée la veille par son Premier ministre Ahmet Davutoglu.

"Il a dû sans conteste y avoir une faute, une défaillance à un certain moment. De quelle importance ? Ce sera clair après l'enquête", a déclaré M. Erdogan lors d'une conférence de presse avec son homologue finlandais, Sauli Niinisto, en visite en Turquie.

Le chef de l'Etat a annoncé dans la foulée avoir ordonné une enquête du Conseil d'inspection de l'Etat (DDK) "pour apporter une perspective différente" sur cette attaque.

Cet organisme chargé de vérifier le bon fonctionnement des rouages de l'Etat a récemment enquêté sur les circonstances de la mort de l'ancien président Turgut Özal, décédé en 1993 dans des circonstances controversées.

Depuis trois jours, M. Erdogan est à nouveau sous le feu des critiques de ses adversaires, notamment de l'opposition prokurde qui pointe du doigt ses responsabilités dans l'attentat.

Le chef de file du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas, lui reproche ainsi d'avoir délibérément négligé la sécurité des partisans de la cause kurde visés samedi à Ankara, qui devaient défiler contre la reprise il y a près de trois mois des affrontements entre l'armée et les rebelles kurdes.

- 'Origine en Syrie' -

A la veille des législatives anticipées du 1er novembre, M. Demirtas accuse également le régime de M. Erdogan d'entretenir des liens avec les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Lors d'un entretien accordé lundi soir à la chaîne d'information CNN-Türk, M. Demirtas a estimé que "l'Etat Islamique ne peut avoir commis un tel attentat sans un soutien de l'Etat turc".

M. Davutoglu avait désigné lundi l'EI comme le "suspect numéro 1" de l'attentat.

"D'après les renseignements reçus (par la Turquie), cette attaque terroriste trouve ses origines en Syrie", a précisé M. Erdogan mardi, en promettant une nouvelle fois que ses "responsables seront traduits devant la justice".

Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus, porte-parole de son gouvernement, a de son côté indiqué que "plusieurs arrestations" avaient été faites après l'attentat d'Ankara. M. Kurtulmus a précisé qu'il présentait des "similitudes" avec celle qui avait fait 34 morts le 20 janvier à Suruç, près de la frontière syrienne.

Selon le quotidien Hürriyet, l'ADN d'un des kamikazes présumés d'Ankara indique qu'il s'agirait d'un jihadiste connu pour avoir combattu en Syrie.

Ennemie jurée du président syrien Bachar al-Assad, la Turquie a été longtemps accusée par ses alliés de complaisance vis-à-vis des jihadistes qui le combattent. Après l'attentat de Suruç, elle a opéré un revirement en menant quelques raids aériens contre l'EI, qui l'a ouvertement menacé de représailles.

- Manifestations -

Depuis le scrutin du 7 juin, la tension est vive entre le camp du chef de l'Etat et le HDP. En raflant 13% des suffrages et 80 sièges de députés (sur 550), le parti prokurde a largement contribué à faire perdre au parti de M. Erdogan la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans.

De son côté, le pouvoir accuse le HDP de "complicité" avec les "terroristes" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), avec l'espoir d'attirer à lui l'électorat nationaliste.

Le mouvement armé kurde a annoncé samedi, quelques heures après l'attentat d'Ankara, la suspension de ses opérations avant les élections, sauf en cas de "légitime défense". Des accrochages entre l'armée et le PKK ont toutefois été signalés depuis.

Depuis samedi, des milliers de personnes ont défilé en Turquie aux cris de "Tayyip assassin" pour dénoncer la stratégie de la tension dont ils accusent le chef de l'Etat.

Mardi matin, la police a violemment dispersé un rassemblement en hommage aux victimes dans le district stambouliote de Kadiköy et arrêté quatre manifestants, a rapporté la chaîne CNN-Türk.

Les forces de l'ordre sont également intervenues contre des manifestants dans le centre-ville d'Ankara, a constaté un photographe de l'AFP.

M. Erdogan fait campagne pour que son parti décroche au moins 400 sièges de députés afin de pouvoir modifier la Constitution à sa main et renforcer ses pouvoirs.

Selon le ministère de la Santé, 53 personnes blessées dans l'attentat de samedi étaient toujours hospitalisées en soins intensifs mardi.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.