Lundi 20 novembre 2006 à 09h34
MONTAGNES DE QANDIL (Irak), 20 nov 2006 (AFP) — Insensibles à l'air glacé du petit matin dans les montages de Qandil dans le nord de l'Irak, les rebelles kurdes de Turquie se regroupent déjà pour leurs cours matinaux d'éducation politique.
"Les Etats-Unis veulent la démocratie en Irak où il y a eu des développements positifs avec le départ de Saddam" Hussein, le président déchu, explique, en commentant la leçon du jour, Yasser Bagok, un sous-commandant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rébellion séparatiste en Turquie).
"L'Amérique joue un rôle important dans le développement de la démocratie au Proche-Orient en dépit de ses erreurs", renchérit Sozdor Serbiliz, la commandante qui dirige la discussion. "On ne peut pas en dire autant pour l'Europe".
Ces déclarations semblent a priori paradoxales pour un mouvement marxiste-léniniste pur et dur, qui a pris la tête à partir de 1984 d'une guérilla sans merci contre le gouvernement turc. Aujourd'hui, le PKK, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne, se dit déterminé à trouver une solution pacifique.
"Nous avons des solutions concrètes pour les problèmes de la région et nous pouvons jouer un rôle important pour développer la démocratie", poursuit la commandante Serbiliz devant une vingtaine de combattants réunis sous la tente, dans le froid.
"Les étrangers ne peuvent développer la démocratie dans la région, nous devons le faire nous-mêmes", souligne-t-elle. Le mouvement ne cherche plus à obtenir un Etat kurde séparé mais un règlement pacifique pour les Kurdes dans chacun des pays où ils se trouvent: Irak, Iran, Turquie et Syrie.
La réunion commence avec la lecture, sur un ton monocorde, de la dernière lettre du fondateur du PKK, Abdallah Ocalan, emprisonné en Turquie depuis plus de six ans. Le visage d'Ocalan, qui fait figure de Dieu vivant au sein du PKK, est placardé partout.
Après la lecture, les combattants se lèvent et applaudissent.
La lettre aborde des sujets divers comme la démocratie dans la région, cite des philosophes comme Immanuel Wallerstein ou évoque la récente victoire des démocrates aux élections de mi-mandat américaines.
Le gouvernement turc, l'ennemi juré qui continue de faire pression sur les autorités irakiennes pour qu'elles expulsent les combattants du PKK, est également fréquemment cité.
"Le problème de la Turquie c'est qu'il n'y a pas de liberté de pensée ou d'organisation. C'est pourquoi elle ne peut se développer, politiquement et économiquement", dit la lettre.
Ocalan critique l'UE, accusée de faire pression sur Ankara pour régler le problème de Chypre sans rien faire pour la minorité kurde. Il souligne cependant que de nombreux intellectuels et hommes politiques turcs prônent un règlement pacifique de la question kurde.
Mais les combattants, dont peu sont âgés de plus de 20 ans et dont beaucoup sont encore adolescents, ne sont pas chauds pour abandonner l'option militaire.
"Lorsque nous appelons à la trêve, (les autorités turques) intensifient leurs opérations et disent vouloir en finir avec le PKK", affirme Sema Zilan, dont les longs cheveux bouclés sont retenus par un foulard bleu. "Nous devons nous préparer politiquement et militairement car ils augmentent leurs opérations contre nous".
Egalement au menu des discussions, les relations du PKK avec les deux partis majoritaires du Kurdistan d'Irak, le Parti démocratique du Kurdistan et l'Union patriotique du Kurdistan, accusés d'être trop conservateurs.
"Ces divergences peuvent être surmontées", estime un combattant, avant d'ajouter toutefois: "si tout le monde parlait d'une seule voix, il n'y aurait aucun développement possible de la société".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.