Page Précédente

A République, place des manifs


Vendredi 6 novembre 2015 à 08h17

Paris, 6 nov 2015 (AFP) — Ici des Kurdes, qui manifestent après l'attentat d'Ankara, là des pro-Palestiniens et leurs slogans anti-Israël, plus loin des pro-Tibétains, qui installent leur sono à quelques mètres de l'association Droit au logement (DAL). Un samedi ordinaire à "Répu", carrefour parisien des manifestations politiques depuis sa réfection.

Le 11 janvier 2015, la place de la République pleine à craquer donnait le départ d'une marche géante qui verra défiler plus d'un million de personnes contre le terrorisme et pour la liberté d'expression à Paris. Dix mois après, un samedi ensoleillé, des skaters indolents zigzaguent entre la statue de bronze devenue le symbole de la résilience post-Charlie et les grandes bâches bleues qui servent de tentes aux mal-logés soutenus par le DAL.

"Cette place est agréable, on peut s'installer sans gêner, y organiser plusieurs manifestations en même temps, moi je l'aime bien", dit le porte-parole du DAL Jean-Baptiste Eyraud. "Nous sommes devenus des usagers réguliers, ici il ne manque que le chauffage", se marre l'expert en agit-prop. En juin, il a même manifesté devant la mairie du 11e arrondissement pour demander que les toilettes publiques de la place restent ouvertes la nuit. Et il a obtenu satisfaction.

Flash-back. Le 16 juin 2013, après un an et demi de travaux, la nouvelle place de la République dévoile ses dalles en béton préfabriqué. 70% de l'espace était dédié à la circulation et 30% aux piétons, ce sera maintenant l'inverse.

Libération sort la sulfateuse, après avoir foulé "une esplanade d'une infinie platitude, une dalle lisse pavée de trois nuances de gris minéral". Alors maire de la capitale, Bertrand Delanoë, lui, adore: "Ma plus grande récompense c'est de voir les enfants de Paris qui sont déjà les propriétaires de leur place, de leur République".

- 231 manifestations en 2015 -

Ni Libé ni l'édile n'évoquent les manifestations, mais la désormais plus grande place piétonne de Paris devient la scène d'un nombre croissant de rassemblements.

Avant le réaménagement, on compte 195 rassemblements statiques ou transitant par "Répu" en 2011, selon les chiffres compilés par la préfecture de police de Paris pour l'AFP. En 2014, après les travaux, ce chiffre passe à 248 et il pourrait dépasser les 300 en 2015 (231 à fin septembre). C'est là qu'il y a le plus de manifestations dans la capitale.

"Il y a toujours eu beaucoup de manifestations à République et cette fonction historique, symbolique, il fallait la garder", souligne Pierre-Alain Trévélo, l'un des architectes du réaménagement. "En France, quand on manifeste, souvent on s'interpose, on bloque, pour se faire voir. A République, les manifestants coupaient souvent la circulation. On a toujours trouvé ça pas très subtil". D'où la volonté de promouvoir "une idée de manifester un peu différente".

Après l'inauguration, quand ils ont vu "des sans-papiers manifester en faisant le grand tour de la place", mais aussi "l'échange qu'il y avait avec les passants", les architectes se sont dit que leur pari était "réussi".

L'idée était aussi de rendre accessible cette allégorie de la République sur laquelle les manifestants aiment à grimper -- avec parfois des accidents, comme lorsqu'un jeune homme s'est tué, en septembre, en tombant du haut de la statue après la fin de la Techno Parade.

- Mémorial pour Charlie -

Les tentes du DAL sont vite apparues. "L'espace public sert à ça", "les manifestants ne sont pas moins importants que les skaters mais les skaters ne le sont pas moins que les manifestants", estime Pierre-Alain Trévélo.

"Désormais", se félicite la préfecture, pendant les manifestations, "la circulation peut être maintenue (...) beaucoup plus souvent".

Pour République "comme pour les sept places qui vont être réaménagées prochainement, Anne Hidalgo a toujours ça en tête: ne pas dédier les usages et les espaces, que ludothèque, skaters, concerts et manifs se partagent le même espace", plaide-t-on au cabinet de la maire.

Avant le début des travaux à Bastille ou Nation, la place de la République connaîtra un nouveau mini-réaménagement. La mairie doit dévoiler prochainement le projet retenu pour rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo. Le soir du massacre, plusieurs dizaines de milliers de manifestants s'étaient retrouvés spontanément sur la place quatre jours avant la marche du 11 janvier.

Dans quelques semaines, selon des sources concordantes, il y aura une installation "matérielle" pour laisser une "trace pérenne".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.