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Du Nicaragua au Kurdistan, Susan Meiselas donne une voix à la photo


Lundi 26 février 2018 à 17h40

Paris, 26 fév 2018 (AFP) — Célèbre pour ses images de la révolution au Nicaragua, la photographe américaine Susan Meiselas questionne son rôle de témoin en donnant la parole à ses sujets et en combinant photo, vidéo et texte.

Rétrospective au Jeu de Paume, la plus importante organisée en France (jusqu'au 20 mai).

- Molotov -

En 1978, Susan Meiselas part en indépendante au Nicaragua pour couvrir l'insurrection populaire contre la dictature de Somoza. "Il est difficile aujourd'hui d'imaginer une époque où l'on n'avait pas d'images. Mais on ne savait pas à quoi ressemblait ce pays", raconte-t-elle. Une de ses photos, "L'homme au cocktail molotov", fait la une du New York Times et devient l'emblème de la révolution sandiniste. Meiselas, qui a intégré peu avant la prestigieuse agence Magnum, est désormais une photographe célèbre.

- Retour -

Susan Meiselas est revenue au Nicaragua quelques années plus tard. Elle a retrouvé les personnes qu'elle avait photographiées et enregistré leurs témoignages. En 2004, elle se rend sur les lieux où elle a travaillé et déploie des bannières présentant ses photos de la révolution. Un façon d'interroger la place de ses images dans la mémoire collective du pays.

- Interaction -

L'interaction de la photo avec son sujet est depuis toujours au coeur des préoccupations de Susan Meiselas. Dès son premier projet en 1971 (44 Irving Street), une série de portraits des locataires de sa pension d'étudiante, elle demande à chacun d'entre eux de rédiger un court texte sur la façon dont ils se voient dans ses photos.

Elle expérimente aussi la longue durée en suivant pendant quinze ans un groupe de jeunes filles de Little Italy à New York, quartier où Susan Meiselas vit toujours (Prince Street Girls).

Une démarche qu'elle applique également aux habitants de Lando (Caroline du sud), une petite ville industrielle en déclin, juxtaposant portraits et albums de famille.

- Multimédia -

En 1991, Susan Meiselas décide d'enquêter sur les massacres ordonnés par Sadam Hussein au Kurdistan. "Je ne suis pas photographe de guerre au sens où je ne vais pas exprès dans les zones de conflit, dit-elle. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la surface des choses mais ce qui fait qu'elles se produisent".

Au cours des années suivantes, elle va développer un travail multimédia combinant photographies, vidéos, documents et site internet. Une carte détaille les zones kurdes dans toute la région, sur laquelle sont accrochées par de petites chaînes des témoignages recueillis notamment en amont de l'exposition auprès de Kurdes à Paris.

- Sexe -

Autre thématique traversant l'oeuvre de Meiselas, le commerce du sexe. Au début des années 70, elle s'intéresse aux stripteaseuses de fête foraine en Nouvelle Angleterre. Pendant trois étés, elle va photographier leur vie quotidienne, alternant reportages et portraits, accompagnés d'enregistrements audio de ces femmes auxquelles elle s'identifie profondément. "Ce ne sont pas des corps nus, souligne-t-elle, mais de vraies femmes avec une histoire personnelle".

Réalisée en 1995 dans un club SM de New York, la série photo et vidéo "Pandora Box" révèle un changement d'époque, avec l'invasion de l'industrie du porno. L'artiste a recueilli la parole des clients comme celle des "maîtresses" et des directeurs de club. Les images très crues sont exposées dans une salle interdite aux moins de 18 ans.

Susan Meiselas est aussi à l'origine en 1992 des "Archives of Abuse", des collages sur la violence domestique à San Francisco. Confrontant photos des scènes de crime et rapports de police, ils étaient ensuite affichés dans des espaces publics.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.