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Soumis à un blocus aérien, le Kurdistan irakien de plus en plus isolé


Samedi 30 septembre 2017 à 04h02

Erbil (Irak), 30 sept 2017 (AFP) — Le couperet est tombé: depuis 15h00 GMT vendredi, les liaisons aériennes entre le Kurdistan irakien et l'étranger ont été coupées, sur ordre de Bagdad, et la région autonome est de plus en plus isolée, avec une dénonciation très ferme par Washington de son référendum d'indépendance de lundi.

Si ce scrutin a été rejeté par tous les voisins de l'Irak comptant des minorités kurdes --l'Iran, la Syrie et la Turquie--, ce sont les Etats-Unis qui ont eu les mots les plus durs vendredi.

Les Etats-Unis "ne reconnaissent pas" ce référendum "unilatéral" et appellent toutes les parties au "dialogue", a déclaré le secrétaire d'Etat Rex Tillerson dans un communiqué.

"Le vote et les résultats manquent de légitimité", a ajouté le chef de la diplomatie américaine, sans mentionner que le "oui" l'avait emporté à près de 93%: "Et nous continuons à soutenir un Irak uni, fédéral, démocratique et prospère", a-t-il insisté, appelant "toutes les parties, y compris (les) voisins de l'Irak, à rejeter toute mesure unilatérale et tout recours à la violence".

Dans les heures avant la fin de l'ultimatum lancé par Bagdad mardi, de nombreux étrangers se sont empressés de quitter le Kurdistan irakien, depuis les aéroports d'Erbil et Souleimaniyeh.

Le dernier vol en partance d'Erbil a été effectué par un appareil de Turkish Airlines à destination d'Istanbul, et c'est un avion d'Iraqi Airways qui a été le dernier à décoller de Souleimaniyeh, vers Dubaï.

"Ceux qui partent sont des étrangers, des Arabes et des Kurdes ayant une autre nationalité", a indiqué Dana Mohammad Saïd, porte-parole de l'aéroport de Souleimaniyeh. "Ceux qui arrivent sont des Kurdes qui se trouvaient à l'étranger" et ne veulent pas restés bloqués.

- Erbil-Istanbul, 3.000 dollars -

Certains passagers ont dû payer leur billet au prix fort pour partir à temps. "J'ai réservé mon vol en ligne il y a deux heures (...) Ça m'a coûté 1.500 dollars!", a ainsi expliqué un passager britannique, à Erbil, en refusant de dire son nom: "En plus, ils m'ont fait payer deux fois par erreur. Ça fait 3.000 dollars l'aller simple vers Istanbul...".

Au départ du dernier vol international, quelque 200 Kurdes ont manifesté devant l'aéroport d'Erbil munis de drapeaux kurdes, de ballons colorés et de pancartes appelant à l'"unité" et à l'"égalité".

Ce blocus aérien ne concerne pas les vols humanitaires, militaires et diplomatiques, a précisé Talar Faiq Saleh, la directrice de l'aéroport international d'Erbil.

Le ministère irakien des Transports a indiqué que la suspension avait été décidée "afin d'imposer l'autorité fédérale sur les aéroports" d'Erbil et Souleimaniyeh, et souligné que "les vols intérieurs se poursuivent".

Un vol Iraqi Airways à destination de Bagdad a de fait décollé d'Erbil à 19h00 (16h00 GMT), une heure après la fin de l'ultimatum, selon un journaliste de l'AFP.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a précisé que cette mesure n'était "pas une punition" après le "oui" au référendum initié par le président du Kurdistan Massoud Barzani, mais seulement "une mesure légale".

"Les vols internationaux reprendront (...) si l'autorité des transports est transférée" au pouvoir central, a-t-il ajouté.

- Abadi invité à Paris -

Même si les autorités kurdes ont répété qu'elles ne proclameraient pas automatiquement leur indépendance, Bagdad a exclu tout dialogue dans l'immédiat. "Il n'y a aucune négociation, ni officielle, ni secrète (...) et il n'y en aura pas tant que les responsables kurdes ne déclareront pas les résultats du référendum caducs", a affirmé un haut responsable irakien.

Le président français Emmanuel Macron a invité le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi le 5 octobre à Paris. La France veut "aider l'Irak pour ne pas laisser les tensions s'installer" avec le Kurdistan irakien, avec lequel la France "entretient des relations d'amitié", a indiqué l'Elysée vendredi.

Sans préciser où a eu lieu l'incident, la Turquie a annoncé vendredi qu'un soldat turc avait été tué et trois blessés dans le nord de l'Irak, dans une attaque qu'elle a attribuée aux séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

L'aviation turque bombarde régulièrement des bases du PKK dans la région autonome du Kurdistan irakien, et ces raids se sont intensifiés ces derniers jours après le référendum. Mais la Turquie, si elle dispose d'une base en Irak, dans la province de Mossoul, n'a pas officiellement de troupes au sol dans les zones autonomes kurdes.

La Turquie, dont la population compte au moins 15 millions de Kurdes, voit d'un mauvais oeil toute ébauche d'un Etat kurde, même hors de ses frontières. Elle craint qu'une telle entité ne galvanise les séparatistes du PKK dans le sud-est de son territoire.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.