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Turquie: 12.000 policiers mis à pied dans l'enquête sur le putsch avorté


Mardi 4 octobre 2016 à 20h18

Ankara, 4 oct 2016 (AFP) — Plus de 12.000 policiers ont été mis à pied en Turquie dans le cadre de purges visant les partisans présumés de l'ex-prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'avoir ourdi le putsch avorté de la mi-juillet, a annoncé mardi la police.

Au même moment, les autorités turques ont réduit au silence l'une des principales chaînes de télévision pro-kurdes lors d'une descente policière à son siège à Istanbul.

La police a précisé que la sanction concernait 12.801 policiers "dont 2.523 gradés". Ils sont tous accusés d'avoir des liens avec la confrérie güleniste, qui représente une "menace pour la sécurité nationale", a-t-elle écrit dans un communiqué.

Selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu, 116 policiers étaient affectés à Kayseri (centre du pays), 203 à Konya (Anatolie centrale) et 1.350 policiers à Ankara.

Le ministère de l'Intérieur, qui chapeaute la police, a lui aussi été visé par cette opération et 37 de ses fonctionnaires ont été relevés, a rapporté le site internet de la chaîne de télévision turque CNN-Türk.

Les coupables seront punis, "peu importe qui ils sont", a réagi le Premier ministre Binali Yildirim au Parlement.

Relevé de ses fonctions dans le cadre de cette procédure, un policier âgé de 26 ans s'est suicidé à l'aide d'une arme à feu dans la ville de Mersin (sud de la Turquie), a rapporté l'agence Dogan.

"La suspension n'est qu'une mesure de précaution pour empêcher des suspects d'interférer dans l'enquête en détruisant des preuves", a précisé un responsable turc sous couvert de l'anonymat, ajoutant que les fonctionnaires relevés "continuent d'être payés à hauteur de deux tiers de leur salaire le temps que l'enquête soit bouclée".

Depuis le putsch avorté, imputé à M. Gülen, en exil volontaire aux Etats-Unis depuis 1999, les autorités turques tentent de chasser ses partisans présumés de tous les secteurs: armée, magistrature, administration, éducation, sport, milieux économiques ou médias.

Même les services de renseignement turc (MIT) ont été ciblés dans cette vaste opération avec le limogeage de 87 de leurs membres.

Selon un dernier bilan annoncé la semaine dernière, 32.000 personnes au total ont été arrêtées, et 70.000 font l'objet d'enquêtes. Outre la police, plusieurs secteurs ont également été visés par les purges, dont la magistrature, l'éducation, l'armée et les médias.

- Une purge entamée en 2013 -

C'est la première fois que la police, qui s'appuie sur quelque 270.000 hommes et femmes en Turquie, annonce un chiffre pour les mises à pied dans ses rangs depuis le début des purges.

Les autorités avaient déjà lancé une purge dans la police, après un scandale politico-financier impliquant l'entourage du président turc Recep Tayyip Erdogan (décembre 2013), pour en chasser les sympathisants de M. Gülen, considérés comme omniprésents dans la police.

Selon des informations de l'agence Anadolu publiées en juillet, quelque 750 officiers de police ont ainsi été emprisonnés ces deux dernières années, accusés d'appartenance à la confrérie.

Outre les partisans présumés de Gülen, les mesures prises après le putsch avorté ont également visé les milieux soupçonnés de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste par Ankara et ses alliés Occidentaux.

Ainsi, la police turque a fait irruption mardi à Istanbul au siège de la chaîne IMCTV, une des principales chaînes de télévision pro-kurdes, et fait cesser sa diffusion, selon des images retransmises en direct par la chaîne.

Munis de pancartes sur lesquelles on pouvait lire "on ne fera jamais taire la presse libre", plusieurs centaines de manifestants, dont des journalistes d'IMCTV, s'étaient rassemblés mardi soir dans le calme non loin de l'emblématique place Taksim à Istanbul pour dénoncer cette décision.

L'annonce de la mise à pied des policiers et la fermeture de la chaîne pro-kurde survient au lendemain de la décision du gouvernement de prolonger de 90 jours l'état d'urgence en vigueur depuis la tentative de coup d'Etat.

La reconduction de l'état d'urgence doit être entérinée lors d'un vote au Parlement, mais il s'agit d'une formalité puisque l'AKP, le parti islamo-conservateur de M. Erdogan y détient une confortable majorité.

Cette reconduction a été critiquée par l'opposition qui accuse le pouvoir de mettre à profit cette mesure d'exception pour faire taire ses détracteurs.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.